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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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vivait
vingt ou vingt-cinq peines d’amour, selon le nombre d’enfants qu’elle saluait.
Elle avait bien essayé de parler de cette impression d’abandon, mais sa mère,
elle, regardait partir les enfants avec le sentiment du devoir accompli. Sa
mère était une vraie enseignante.
    À Montréal, elle projetait d’abord de se
trouver un travail qui la mettrait en contact avec les gens, un contact qu’elle
souhaitait puissant… mais bref. Ensuite, elle étudierait. Elle se donnait une
année pour voir les possibilités et faire un choix. Elle n’était pas certaine
d’avoir le courage de combattre pour entrer à l’université. Mais elle savait
aussi qu’elle était prête à plier pendant quelques années pour obtenir ce
qu’elle voulait.
    Clément sortit de l’hôpital le jour de la
Saint-Jean-Baptiste. Léon le raccompagna jusqu’à l’école. Il avait même payé
pour faire transporter la porte. La semaine avant leur retour, Blanche avait
regardé partir ce qu’elle savait être son dernier groupe d’élèves. Laurette
avait réagi comme sa mère l’aurait fait. Elle, elle avait subi cette fin
d’année encore plus douloureusement que les précédentes. Elle avait pu annoncer
aux parents d’André que leur fils serait prêt pour le collège, ce que ses résultats
d’examens avaient confirmé. Quant à son petit Pierre, son départ avait déchiré
Blanche. Elle avait annoncé à sa classe qu’elle ne serait plus à Saint-Tite
l’année suivante. Pierre avait pleuré, sans gêne. Blanche avait fait de même,
mal à l’aise, et s’était presque battue avec l’enfant accroché à ses jupes, qui
ne voulait pas la quitter. Il avait finalement lâché prise et lui avait crié
qu’il ne l’aimerait plus jamais. La blessure de l’enfant en avait infligé une
plus grande à Blanche, renforçant sa décision de quitter la stagnation de sa
vie trop routinière pour aller voir du côté de l’aventure.
    La maison était remplie. Clément était encore
en convalescence et le docteur Francœur venait le voir une fois la semaine.
Blanche comprit qu’il venait non pas parce que Clément avait besoin de lui,
mais parce que lui-même aimait regarder un miracle en chair et en os. Il avait
finalement confié à Blanche que, la nuit qu’ils avaient passée à l’éloigner de
la fournaise de son corps, il avait été certain qu’il aurait à lui couvrir la
tête d’un drap blanc.
    – On aurait eu le téléphone que c’est le
prêtre que j’appelais. C’est l’extrême-onction que Clément aurait reçue, pas de
la quinine.
    Blanche avait assisté à la remise des diplômes
de la classe de Jeanne, émue. Elle regrettait de n’avoir pas eu une cérémonie
aussi protocolaire. La sienne avait été emportée par le vent de la tornade et
la cérémonie qui avait enfin eu lieu avait été teintée du gris de la désolation
et de la tristesse. Elle se souvenait quand même de sa fierté et de celle de
Napoléon.
    Léon Rheault habitait à l’école et Blanche vit
sa sœur puînée mettre des heures à se pomponner et rire de tout et de rien.
Elle reconnut aisément les attaques du printemps de l’amour. Alice et Rolande
partirent pour le rang du Bourdais. C’était devenu une habitude familiale
d’éloigner les enfants de l’école pour leur donner un semblant de vacances.
Jeanne avait refusé d’y aller et Blanche n’en fit pas de cas. Jeanne était
assez vieille pour décider d’elle-même.
    L’été était un été chaud le jour et pluvieux
la nuit. Le potager regorgeait de légumes aux couleurs vives. Léon et Jeanne
passaient des heures à le sarcler pendant que Blanche s’occupait davantage de Clément
et de la préparation des repas. Depuis la fin de l’année scolaire, elle
consacrait toutes ses heures de loisir à préparer sa garde-robe. Elle commanda
deux valises qu’elle reçut à la mi-juillet. Jeanne était maintenant avisée de
son départ et avait accepté de prendre sa classe pour « garder le
fort », comme elles disaient en riant. Blanche avait écrit sa lettre de
démission. Elle s’était attendue à voir bondir Joachim Crête. Il n’en avait
rien fait. Elle ne le vit même pas.
    La dernière semaine de juillet venait de
commencer quand Blanche, sortie pour cueillir des haricots, aperçut sur la
route une grosse femme empoussiérée qui traînait un lourd bagage en s’arrêtant
de temps en temps pour s’essuyer le front. Blanche laissa tomber son tamis
plein de

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