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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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marcher un peu ?
    Elle vit le « non » se dessiner sur
la bouche de sa mère, aussitôt suivi d’un pincement de lèvres. Sa mère avait
compris.
    Elles sortirent toutes les deux, Émilie n’ayant
pas omis d’apporter un mouchoir pour s’éponger le front. À peine dehors, elles
aperçurent l’auto de Joachim Crête se dirigeant vers elles. Émilie soupira,
Blanche se raidit. Elles attendirent, en silence, que l’auto s’immobilise.
Joachim en sortit, ayant de collé au visage, outre des gouttes de sueur, le
sourire qui caractérisait sa grande forme. Celle qui annonçait une bataille
dont il connaissait l’issue.
    – J’arrive au bon moment. Fallait
justement que je vous voie, toutes les deux.
    Il s’appuya sur le capot de sa voiture et les
regarda bien en face, souriant de toutes ses dents. Émilie le regarda,
dégoûtée. Son absence d’un an lui avait permis
de détester Joachim à loisir. De le voir devant elle, en chair et en os, lui
soulevait le cœur. Mais elle savait que maintenant elle ne lui donnerait plus
l’occasion de la mépriser. Elle décida de passer à l’attaque la première.
Blanche, elle, était mal à l’aise. Elle verrait sa mère apprendre sa démission
de la bouche de Joachim. Elle décida de prendre la parole immédiatement. Elles
parlèrent toutes les deux en même temps. Ce que chacune d’elle dit ne fit aucun
sens.
    – Aïe ! Une par une. Qu’est-ce que tu disais, Émilie ?
    – Je disais que tu avais les dents
cariées pis que tu aurais avantage à porter un dentier.
    Blanche retint son rire devant la colère
spontanée qui venait de teinter les joues, pourtant grisâtres de barbe, de
Joachim. Celui-ci, qu’une année de refoulement à ne pouvoir harceler Émilie
avait aiguisé au plus haut point, éclata presque aussitôt. Mais Blanche, voyant
qu’elle n’avait plus une minute à perdre, lui coupa la parole.
    – Vous venez sûrement parler de
l’organisation de l’école pour l’année qui vient. C’est tout réglé, monsieur
Crête. Ma mère va pouvoir reprendre sa classe pis Jeanne la mienne. Ma mère pis
moi, on en a parlé. Les commissaires auront pas de problèmes à cause de nous
autres.
    Tout en parlant, elle avait accroché le regard
de sa mère, ayant d’abord un air assuré qu’elle voulait que Joachim capte,
puis, ralentissant son débit, elle avait terminé sa phrase. Émilie s’était
ressaisie à temps, comprenant que sa fille venait d’être coincée. Elle avait
l’impression de revivre l’affrontement entre Ovila et Joachim quand Ovila avait
annoncé sans gêne qu’Émilie partait pour l’Abitibi avec lui. Encore une fois,
elle se sentait prise dans un conflit qui la condamnait à la passivité sous des
airs d’intelligence.
    – Justement, baptême. La décision
des commissaires a été prise hier soir…
    – Parce qu’à c’t’heure, Joachim, vous
tenez des réunions pendant l’été ? C’est nouveau. À l’hôtel, je
suppose ?
    – Ferme-la, Émilie Bordeleau. La décision
a été prise hier soir. L’année prochaine, on t’engage pas. Si ta fille Jeanne
veut prendre la classe des p’ tits, c’est correct.
Mais Laurette garde celle des grands.
    Émilie n’avait pas bronché. Sachant que malgré
la chaleur elle avait probablement pâli, elle s’empressa de s’essuyer la figure
en frottant assez pour se rosir les joues. Blanche, elle, n’étant plus
directement concernée par la décision des commissaires, avait gardé la tête
froide.
    – Sous quel prétexte, monsieur
Crête ?
    – Comment ça, sous quel prétexte ?
On a beau être humains, on n’a jamais entendu parler de commissaires qui
redonnaient à une maîtresse une école qu’elle avait abandonnée sans le
dire !
    Émilie et Blanche se regardèrent. Maintenant,
Blanche aussi s’était encolérée.
    – Monsieur Crête, vous mentez !
    – Ah oui ? Comment ça ?
    – Vous av ez
vous -même pris la lettre que ma mère avait écrite. C’est moi qui vous
l’ai donnée.
    – Je me souviens pas de ça…
    Blanche savait que le piège venait de claquer
et que sa mère n’avait plus d’échappatoire possible. Elle se demanda si elle
servait les intérêts de la famille en se taisant ou en confrontant Joachim à sa
fripouillerie. Enhardie par la présence de sa mère, elle ne laissa pas le
dilemme s’enfler et décida de parler.
    – Vous êtes pire que j’aurais jamais
pensé, monsieur Crête. Jamais de ma vie j’aurais imaginé

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