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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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baccalauréat ès sciences s’il le faut.
    – Cela reporterait vos études en médecine
de quatre, peut-être cinq ans.
    L’homme branla la tête comme si, tout à coup,
elle était devenue trop lourde à supporter. Il avait maintes fois rencontré des
jeunes filles qui voulaient entrer en médecine et avait presque toujours réussi
à les en dissuader. Celle qui se tenait devant lui, en le regardant d’un regard
bleu et déterminé, ne semblait pas prête à renoncer.
    – Votre père est-il médecin ?
    – Non, monsieur.
    – Hum !
    Blanche eut le sentiment désagréable de subir
un interrogatoire au bout duquel elle n’aurait pas avancé d’un pas.
    – Je vois pas le lien, monsieur.
    – C’est qu’en côtoyant un médecin vous
sauriez que c’est un travail trop exigeant pour une femme frêle comme vous.
Vous n’avez pas pensé à l’enseignement ?
    – J’ai enseigné pendant quatre ans,
monsieur. Et j’ai économisé chaque sou pour
payer mes études.
    – Quel genre de renseignements avez-vous
eus avant de vous présenter ici ?
    – Peu, monsieur, à part que vous aviez
une jeune fille en médecine.
    Le secrétaire se demanda si elle tenait à
fréquenter l’université pour bien se marier ou pour étudier sérieusement.
    – Notre université est située au cœur de
la ville et ce quartier est très vivant. Peut-être pourriez-vous le fréquenter
indirectement en vous inscrivant à notre Institut des arts ménager s, tenu par les sœurs grises et affilié à
l’université ?
    Blanche ravala sa salive. Elle aurait voulu
hurler.
    – Monsieur, j’ai rompu des fiançailles
avec un futur avocat qui avait un brillant avenir uniquement pour pouvoir
étudier. J’ai pas envie, après sept années de pensionnat et quatre années
d’enseignement, de me retrouver avec un dé sur
le majeur et une aiguille dans les mains. Pas plus que j’ai le goût d’apprendre
à faire un trousseau. Je sais tout ça.
    Le secrétaire la regarda attentivement,
pensant qu’elle avait l’étoffe. Il avait subitement presque honte de la
décourager. Il ouvrit sa plume, commença à écrire quelque chose puis, se
ravisant, froissa et jeta la feuille de papier.
    – Le calcul est vite fait, mademoiselle.
Vous ne pourriez travailler avant dix ans. Est-ce que vos parents sont assez
fortunés pour assumer vos frais de scolarisation ?
    Blanche voyait s’écrouler son rêve, morceau
par morceau. Même si elle devait entreprendre dix années d’études en
travaillant le soir, jamais elle ne pourrait survivre. D’autant plus que des
études de médecine exigeaient une présence assidue dans les hôpitaux, jour et
nuit. Elle ne voulut pas montrer que le coup qu’elle venait de recevoir lui
faisait mal, aussi s’empressa-t-elle de remettre ses diplômes dans son sac et
de se lever. Le secrétaire l’imita et lui tendit la main. Blanche, craignant
qu’il ne voie sa grande difficulté à cacher sa déception, se contenta
d’esquisser un petit salut de la tête. Un salut sec et plein d’amertume.
    Elle sortit en refermant la porte tout
doucement derrière elle. Le secrétaire la suivit des yeux par la porte vitrée
et hocha la tête. Sa secrétaire vint le retrouver.
    – Une autre ?
    – Une autre, oui. Mais celle-là, je pense
que ce qui va nous empêcher de la revoir, c’est son manque d’argent. Pour le
reste, je crois qu’elle avait tout ce qu’il fallait.
    Blanche sortit de l’université et regarda les bât isses qui en faisaient partie. Elle chercha le
1265 pour regarder cette faculté de médecine aux portes closes. Elle décida de
marcher, se foutant éperdument du fait qu’elle pouvait s’égarer dans ces rues inconnues.
D’abord elle ne remarqua pas les étudiants qui bavardaient en agitant les bras
aussi rapidement que la bouche. C’est le long foulard qu’ils portaient tous
enroulé autour du cou qui força Blanche à sourire malgré le soleil chaud de ce
début de septembre qui la faisait soudainement fondre d’ennui. Elle monta
jusqu’à la rue Sherbrooke, qu’elle n’avait pas encore eu le temps de voir, et
se dirigea vers l’est. Elle marcha ainsi sans but jusqu’à ce que ses orteils
crient l’étroitesse de ses chaussures neuves et la plante de ses pieds la
minceur de leurs semelles.

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    Blanche s’assit dans le salon, devant la
fenêtre. Le néon d’un rouge agressif qui s’y reflétait en clignotant, au lieu
de la calmer pour lui permettre de dormir les

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