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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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était pas
habituée ! Pas plus que toi pis moi ! Pis pendant que Blanche
essayait de rendre service, de remplacer quelqu’un qui était pas à son poste,
tout ce qu’elle a eu comme remerciements, c’est des rires !
    Marie-Louise était hors d’elle. Elle n’avait
pas aperçu l’hospitalière en chef debout dans l’entrée de la salle à manger.
Pas plus qu’elle n’avait vu plusieurs étudiantes sortir pour se diriger en
toute hâte vers les toilettes. Germaine essayait maintenant de se faire petite
et y parvint presque.
    – Tiens-toi droite, Germaine
Larivière ! C’est avant de rire pis d’essayer d’humilier Blanche que tu
aurais dû penser. Je viens peut-être de la campagne comme tu me l’as fait
remarquer la journée de l’examen d’admission, mais à la campagne on a pour
notre dire que personne s’est jamais grandi en rapetissant les autres !
    Sur ce, Marie-Louise tourna les talons et sortit de la pièce sans prendre son assiette.
La sœur hospitalière la retint par le bras.
    – Bien parlé, mademoiselle Larouche. Une
belle leçon de charité.
    – C’est pas ce que j’ai voulu faire.
C’est Blanche qui l’a donnée, la leçon. Pas moi.
    Blanche, accompagnée de Marie-Louise, entra à
la salle à manger pour le repas du midi. Toutes les infirmières se turent.
Germaine Larivière s’immergea presque la tête dans sa soupe, au point que ses
yeux et ceux du bouillon se confondirent. Marie-Louise, qui n’avait pas raconté
à Blanche sa colère du matin, tenait ses poings fermés, prête à passer à
l’attaque si quelqu’un osait émettre ne fût-ce qu’un ricanement. Elle avait
forcé son amie à se lever et à s’habiller. Elle l’avait encouragée à se
présenter au repas, consciente que Blanche avait été à deux doigts de boucler ses
valises et de quitter l’hôpital. L’orgueil de son amie n’avait d’égal que sa
sensibilité et sa douceur. Elle jeta furtivement un coup d’œil circulaire et,
ne voyant aucune animosité, poussa discrètement Blanche. Celle-ci s’avança, la
tête haute, les épaules droites, portant fièrement sa coiffe sur sa chevelure
bouclée. Elle craignait de trébucher, tant ses jambes lui paraissaient lourdes.
Encore une fois, son cœur se manifesta et elle le pria de demeurer calme afin
qu’elle ne rougisse pas. Sa prière fut vaine. Une salve d’applaudissements
éclata comme la foudre. Blanche se figea, regarda autour d’elle, incrédule
devant ce qui se passait, se croyant victime d’un malentendu. Elle se tourna
vers Marie-Louise qui, rose de plaisir, applaudissait à tout rompre.

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    – Et puis qu’est-ce qu’elle a dit
d’autre, la sœur hospitalière en chef ?
    Émilie se berçait en écoutant Blanche raconter
sa première et terrifiante rencontre avec la mort. Paul, assis devant sa sœur,
l’écoutait aussi pendant que Jeanne, submergée de livres, préparait ses classes
de septembre.
    – Elle m’a dit qu’elle se souvenait que
j’étais venue avec Marie-Louise à tous les matins ; vous savez, moman,
quand on attendait pour savoir si elle était acceptée…
    – Oui, je m’en rappelle.
    – Pis que ce jour-là elle avait pensé que
ce serait une bonne idée qu’elle nous installe dans la même chambre. Pour qu’on
s’aide, qu’elle a dit. Ça fait qu’à c’t’heure je sais que c’était pas un
hasard.
    – Pis tu dis que personne a ri de
toi ?
    – Personne. Grâce à Marie-Louise.
    – J’ai bien hâte de la rencontrer.
    – La semaine prochaine.
    Blanche éclata de rire.
    – Une des filles m’a raconté la colère
qu’elle avait faite à Germaine Larivière. J’ai l’impression que vous auriez
aimé ça si ça avait été moi qui l’avais faite, la colère.
    – Peut-être. Peut-être qu’un jour tu vas
en faire une bonne. Une vraie. J’ai pas souvenir de t’avoir vue te choquer.
    – C’est pas dans mon caractère.
    Blanche savait qu’elle mentait. La colère lui
faisait vibrer le corps au moins une fois par jour. Mais elle avait décidé de
ne jamais lui permettre de surgir. Elle craignait que, le jour où elle lui
ouvrirait la porte, elle ne cesserait plus de crier. Pour tout et pour rien.
Contre Germaine Larivière, qui la menaçait sans cesse de révéler son petit
commerce. Contre certains médecins, qui prescrivaient des traitements
inutilement souffrants aux patients. Contre le diabète, qui neutralisait tout
le pétillement de son frère. Contre son père,

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