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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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sans doute aux cochers qui en graissaient les roues des carrosses. Un gagne-denier trapu, le poil noir, les jambes arquées, dévorait une de ces gourmandises brûlantes et visqueuses à peine sorties de la poêle. Devant la colonnade du Louvre, il observa le marché à la fripe. Toute une faune désargentée fréquentait cet endroit où de vieilles hardes suspendues à des ficelles étaient ballottées par le vent comme des pendus desséchés. La police, parfois, dispersait l'ensemble, car on vendait ici, au lieu de les brûler, les pauvres dépouilles de ceux qui mouraient de phtisie, de pneumonie ou de consomption. Les habits infectés passaient du corps des morts à ceux des vivants qu'y gagnaient ces maladies.
    Nicolas se fit reconnaître à l'entrée de l'hôtel Saint-Florentin. Dans le grand escalier, il croisa la duchesse de la Vrillière qui répondit à son salut par un regard effrayé. Elle semblait avoir pleuré et s'apprêtait à sortir, vêtue d'un grand habit gris doublé de noir et la tête recouverte d'une calèche grise 71 . Il montait lentement les degrés quand il entendit un murmure derrière lui. Se retournant, il vit la duchesse arrêtée, tendant vers lui un visage implorant.
    — Monsieur le marquis…
    Encore une ! pensa-t-il. Elles croyaient toutes l'amadouer en lui donnant son titre, mais lui-même ne venait-il pas d'en arguer, face à M. Le Noir ?
    — Ma cousine de Maurepas vous tient, me dit-elle, en haute estime, poursuivit la duchesse. Puis-je vous présenter une prière ?
    — Madame, je suis votre serviteur.
    — Aidez le duc. Moi, il ne m'écoute pas. Il ne m'a d'ailleurs jamais écoutée.
    — Madame, c'est en m'aidant que vous l'aiderez. Je suis convaincu que vous en savez sur cette affaire plus long que ce que vous avez consenti à me dire.
    Elle torturait un des rubans de sa coiffure.
    — Je ne peux rien vous dire. Il n'y avait rien à faire d'autre…
    — Faire quoi ? Madame, je vous en conjure.
    — Sauvez-le, monsieur.
    Elle se retourna d'un seul mouvement et vola plus qu'elle ne marcha jusqu'aux degrés du perron.
    Voilà, songea Nicolas, qui justifiait amplement sa décision d'entretenir coûte que coûte le ministre. Le valet de chambre ne dissimula pas sa surprise de son intrusion et commença par refuser de prévenir son maître qui avait recommandé n'être point dérangé. Le commissaire écarta fermement le serviteur et passa outre. Il gagna la galerie et le cabinet de travail où toute cette aventure avait débuté. Il gratta à la porte et, sans réponse, entra décidément. M. de la Vrillière paraissait affalé sur un fauteuil près de la cheminée. En culotte et chemise, la cravate dénouée, il portait sur ses épaules un épais tissu bariolé dont il serrait les pans croisés sur sa poitrine. Ayant ôté sa perruque, les flammes du foyer faisaient briller le poli de son crâne chauve. Il offrait le spectacle pitoyable d'un vieil homme malade et effondré. Nicolas éprouva de la compassion pour ce personnage qu'il avait connu naguère plus péremptoire.
    — Comment, comment ? fit le duc. Pourquoi me trouble-t-on, et qui vous a autorisé ?
    Il ne reconnaissait pas Nicolas. Celui-ci se pencha vers lui.
    — Il y a urgence, monseigneur. Ce que j'ai à vous dire ne souffre d'aucun délai.
    — Je suis fatigué.
    Nicolas écarta l'objection et dressa le tableau complet de son enquête, n'omettant aucun détail, y compris ceux, nombreux, qui incriminaient le duc. Il exposa et commenta les diverses hypothèses posant çà et là des questions qui demeuraient sans réponses. Il omit seulement, par prudence, d'évoquer les mesures matérielles que lui-même et ses gens avaient prises pour découvrir le ressort de cette affaire. Il insista sur le fait que quatre victimes venaient de payer de leur vie une obscurité que chacun s'efforçait d'épaissir. La conclusion rappela la volonté du nouveau roi de voir éclaircies les voies de ce drame. Il argua enfin du salut de l'État devant un homme qui, longtemps, s'était confondu avec lui, soulignant combien s'avérait inquiétant le fait que le représentant occulte d'une puissance étrangère en vienne à traverser une affaire criminelle où tant de noms illustres étaient évoqués.
    Son interlocuteur, de plus en plus accablé, ne maîtrisait plus sa tête affaissée sur la poitrine. Il finit toutefois par se ressaisir.
    — Hélas, hélas ! soupira-t-il. Je ne peux ni ne veux rien vous dire. Le feu

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