Le Crime De Paragon Walk
l’enfant, des marginaux et des mendiants. Aucun d’eux n’aurait pu être Fulbert, même malmené ou brutalisé à l’extrême. Il avait fallu plus d’une semaine pour les réduire à l’état de squelettes ambulants.
Tous les hôpitaux et les morgues avaient été contrôlés, même les hospices. La brigade de police spécialisée dans les fumeries d’opium et les maisons closes avait été priée d’ouvrir l’œil — poser des questions n’eût servi à rien —, mais là non plus, on ne l’avait pas vu. Autant que l’on pût juger à l’issue de toutes les investigations possibles et imaginables, Fulbert Nash s’était volatilisé.
Il ne restait plus qu’à retourner à Paragon Walk pour repartir de zéro. Ce fut ainsi qu’à neuf heures du matin Pitt se retrouva dans le petit salon de Lord Dilbridge, attendant le bon plaisir du maître de céans. Ce dernier ne parut qu’au bout d’un quart d’heure. Il était tiré à quatre épingles — son valet y veillait—, mais son aspect général était vague et quelque peu échevelé. A l’évidence, ou bien il était souffrant, ou bien il avait passé une nuit mouvementée. Il contempla Pitt comme s’il avait du mal à se rappeler qui il était.
— Inspecteur Pitt, police, fit Pitt pour l’aider.
Freddie cligna des yeux, et une lueur d’irritation
brilla dans son regard.
— Oh, mon Dieu, c’est toujours au sujet de Fanny? La pauvre enfant n’est plus de ce monde, et le misérable qui a fait ça a pris la poudre d’escampette. Franchement, je ne comprends pas ce que nous avons à voir là-dedans. Les rues mal famées de Londres grouillent de voleurs et de malfrats. Si vous autres, vous faisiez votre travail correctement et les nettoyiez un peu au lieu de nous harceler de questions idiotes, ce genre de chose n’arriverait pas ici !
Il cligna à nouveau des paupières et se frotta un œil comme pour en extraire une poussière.
— Bien sûr, pour être honnête, nous devrions faire plus attention aux domestiques que nous engageons. Mais je ne vois absolument pas en quoi je peux vous être utile, surtout à cette heure de la matinée !
— Non, monsieur.
Pitt réussit enfin à placer un mot sans être obligé de l’interrompre.
— Ce n’est pas au sujet de Miss Nash. Je suis là pour l’affaire concernant Mr. Fulbert Nash. Nous n’avons toujours pas retrouvé sa trace...
— Essayez les hôpitaux ou la morgue, suggéra Freddie.
— C’est fait, répondit Pitt patiemment. Ainsi que les asiles de nuit, les fumeries d’opium, les maisons closes et le fleuve. Sans oublier les gares, le port, les bateliers entre Richmond et Greenwich, et la plupart des cochers de fiacre. Personne n’a rien vu.
— C’est ridicule ! s’emporta Freddie.
Ses yeux injectés de sang ne cessaient de papilloter. Pitt connaissait bien cette sensation désagréable de picotement, due au manque de sommeil. Freddie grimaça pour essayer de s’éclaircir les idées.
— Il doit bien être quelque part. Il n’a pas pu s’évanouir dans la nature !
— Tout à fait. Ayant donc fouillé partout, je suis dans l’obligation de revenir ici pour tenter de déterminer où il peut être et, sinon où, du moins pourquoi.
— Pourquoi?
Le visage de Freddie s’allongea.
— Ma foi, je suppose qu’il était... enfin... non... je ne suppose rien. Je n’y ai jamais réfléchi. Ce n’est pas une histoire de dettes, hein ? Les Nash sont des gens aisés, pour autant que je sache, mais comme il est le cadet, il ne disposait peut-être pas d’une fortune personnelle.
— Nous y avons pensé, monsieur, et nous avons vérifié. Sa banque nous a permis d’accéder à ses comptes qui sont bien garnis. Et son frère, Mr. Afton Nash, nous assure qu’il n’avait pas d’ennuis financiers. Nous n’avons relevé aucune trace de dette dans les clubs où l’on vient généralement pour jouer.
Freddie avait l’air inquiet.
— Je ne savais pas, moi, que vous aviez accès à ce genre de choses ! Les sommes qu’on mise au jeu, c’est l’affaire de chacun !
— Certainement, monsieur, mais dans le cas d’une disparition, voire d’un meurtre...
— Un meurtre ! Vous croyez que Fulbert a été assassiné ?
Il grimaça horriblement et, se laissant tomber sur une chaise, regarda Pitt à travers ses doigts.
— Pour être tout à fait honnête, nous nous y
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