Le Crime De Paragon Walk
de Paragon Walk, glanés
depuis qu’avec l’aide d’un Forbes fasciné et empressé il avait recommencé l’enquête
à la lumière de la suggestion de Grace. À en croire les uns et les autres, les
relations entre les riverains étaient bien plus riches et variées qu’il ne l’avait
soupçonné. Freddie Dilbridge, par exemple, était une figure tristement célèbre.
Dans ses fêtes les plus délirantes, on se livrait, semblait-il, à des activités
secrètes et apparemment excitantes pour les participants. Diggory Nash, lui, avait
succombé plus d’une fois à la tentation. On jasait beaucoup sur Hallam Cayley, surtout
depuis la mort de sa femme, mais Pitt n’avait pas encore réussi à démêler les
mensonges purs et simples des inventions, et il ignorait totalement quelle
était la part de vérité dans tout cela. George, visiblement, avait eu le bon
sens de satisfaire ses penchants ailleurs que dans les quartiers des
domestiques, mais il était évident qu’il avait eu un faible pour Selena, généreusement
payé de retour, et qu’Emily en souffrirait profondément si elle l’apprenait. Quant
à Paul Alaric, même s’il y avait autre chose que des vœux pieux à son sujet, personne
n’était prêt à en parler.
Pitt eût été ravi de récolter des révélations infamantes sur
Afton Nash, qu’il trouvait éminemment antipathique. Cependant, bien qu’aucune
des servantes ne fût très favorablement disposée à son égard, rien ne laissait
entendre qu’il se fût permis la moindre privauté avec elles.
Fulbert lui-même faisait l’objet de murmures, d’insinuations,
mais depuis sa disparition, le simple fait de prononcer son nom provoquait un
tel vent d’hystérie que Pitt ne savait que croire. La rue tout entière avait
lâché la bride à son imagination. L’abrutissante monotonie des corvées
quotidiennes qui durait depuis l’enfance jusqu’au tombeau n’était rompue que
par les romans à quatre sous et les histoires échangées en pouffant dans les
mansardes exiguës, une fois la longue journée achevée. À présent, assassins et
séducteurs impénitents étaient tapis dans le moindre recoin, et la peur, le
désir inavoué et la réalité formaient un écheveau inextricable.
Il ne s’attendait pas à ce que Charlotte recueille des renseignements
précieux à la réception d’Emily. La solution de l’énigme, il en était convaincu,
se trouvait du côté des cuisines et de l’office, hors de portée de Charlotte ou
d’Emily. Il lui souhaita donc de bien s’amuser et lui intima fermement de se
mêler de ses propres affaires et de s’abstenir de questions ou de commentaires
sortant du cadre d’une conversation banalement polie.
Son docile « Oui, Thomas », eût-il été moins
absorbé par ses préoccupations, n’aurait pas manqué d’éveiller sa méfiance.
La réception était très formelle, et Charlotte ne cacha pas
sa joie en voyant la robe qu’Emily avait commandée pour elle en guise de cadeau.
En soie jaune, elle était merveilleusement belle et lui seyait à ravir. Elle
eut l’impression d’être le soleil en personne quand elle franchit le seuil, la
tête haute, éclatante de bonheur. À sa surprise, seuls cinq ou six convives se
retournèrent sur elle, alors qu’elle s’attendait à être le point de mire dans
une salle subitement silencieuse. Néanmoins, parmi ces cinq ou six, elle
reconnut Paul Alaric. Elle vit son élégante tête brune se détourner de Selena
qui se tenait sur une marche. Les joues en feu, Charlotte releva légèrement le
menton.
Emily vint immédiatement à sa rencontre ; elle fut
happée par la foule qui devait compter une cinquantaine de personnes et mêlée à
la conversation. Il n’y eut aucun moyen de s’entretenir en privé. D’un long
regard appuyé, Emily lui signifia de bien se tenir et de réfléchir avant de
parler ; l’instant d’après, on l’appela pour accueillir d’autres invités.
— Emily a convié un jeune poète pour qu’il nous lise
quelques-unes de ses œuvres, déclara Phœbe avec une gaieté forcée. Son écriture
est très provocante, paraît-il. J’espère que nous la comprendrons ; cela
nous fournira matière à discussion.
— Moi, j’espère que ce n’est pas vulgaire, dit Miss
Lucinda rapidement. Ni érotique. Avez-vous vu ces horribles dessins de Mr. Beardsley ?
Charlotte aurait aimé donner son avis sur Mr. Beardsley, mais
comme elle n’avait vu aucun de ses dessins ni même
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