Le Dernier Caton
l’interrompit Glauser-Röist. Ne dévions pas de notre sujet ! Je vous ai posé une question simple, et vous ne m’avez toujours pas répondu. Combien de temps faudrait-il à un seul d’entre nous pour accomplir les épreuves sans aucune aide ?
— Des mois, probablement, dis-je. Des années, même.
— Voilà où je voulais en venir. Les candidats ne sont pas pressés. Ils passent d’une ville à l’autre, d’une épreuve à l’autre en disposant de tout leur temps. Ils étudient, posent des questions, utilisent leur cerveau… Quand ils arrivent ici, le plus logique est qu’ils passent des mois jusqu’à…
— Jusqu’à perdre patience, et c’est bien de cela qu’il s’agit dans cette épreuve, conclut Farag avec un sourire.
— Exactement ! Mais nous ne disposons pas de tout ce temps. Nous avons parcouru l’Antipurgatoire et les deux premiers cercles en deux semaines.
— Et, avec un peu de chance, Kaspar, si cette nuit nous continuons à travailler, dans quelques jours nous aurons résolu la première partie du troisième cercle.
Les mots de Farag semblaient nous rappeler à l’ordre. Je préparai mon marqueur tandis qu’il poursuivait :
— Je disais donc, avant cette agréable digression, que lorsque le candidat parvient à la crypte de la vraie Croix, il trouve cette tablette qui exhibe un chrisme et deux phrases en rouge qui attirent son attention en lui indiquant d’abord qu’il se trouve enfin devant le péché de la colère et doit se montrer patient, très patient pour résoudre cette énigme, puisque la patience est la vertu théologale opposée à la colère, péché capital. La dernière phrase, « Que ta patience se voie comblée par cette prière », le prévient qu’il doit trouver la solution dans la prière elle-même, qui comblera ses recherches. Donc, si l’on élimine les deux phrases, il nous reste le corps du texte, et je crois que c’est là que nous devons chercher la septième et la neuvième.
— Alors, les septième et neuvième mots ? dis-je.
— Nous allons essayer, à défaut d’une meilleure idée, dit Farag en regardant le capitaine qui ne fit pas un geste.
Le septième mot est οΤαν : « quand », dis-je en traçant un cercle autour, et le neuvième, Ελιος : « le soleil ».
— Otan o helios, répéta Farag avec satisfaction. « Quand le soleil…» Je crois que nous avons trouvé, Basileia ! Cela a un sens, au moins.
— Ne criez pas victoire trop tôt, le reprit le capitaine. C’est peut-être un hasard. D’ailleurs, ces mots ne correspondent pas à ceux de la traduction.
— Aucune traduction ne peut correspondre, Kaspar. Mais ces mots concordent avec la transcription littérale qui, dans cette première phrase, serait : « De même que la plante prospère, impétueuse, quand le veut le soleil. »
— Bien, en supposant que ce soient les septième et neuvième mots de chaque phrase, déclarai-je pour les empêcher de se lancer dans une nouvelle discussion, les suivants seraient alors ατδυ et εκ, qui signifient « mettre » et « depuis ».
— Voilà la preuve, Kaspar : Otan o helios katedi ek…
— Ou bien « quand le soleil se met depuis »… C’est l’expression grecque qui signifie « à la tombée du soir »… Qu’en dites-vous ?
Je continuai à compter les mots et à les entourer jusqu’à obtenir le message complet.
— Voici, textuellement : « Quand le soleil se couche depuis celui des cent quatre-vingt-douze Athéniens tombe jusqu’au receveur. Cours et arrive avant l’aube. Comme un suppliant frappe les sept coups à la porte. »
— Cela a un sens ! cria Farag.
— Vous trouvez ? se moqua le capitaine, alors dites-moi lequel, parce que franchement, là, je ne vois pas.
Farag me rejoignit devant le tableau.
— À la tombée du soir, depuis la tombe des cent quatre-vingt-douze Athéniens jusqu’au receveur. Cours et arrive avant l’aube…
— Pourquoi mets-tu les points comme dans la prière ? dis-je. Si tu les enlèves, la phrase fonctionne mieux.
— Tu as raison. Voyons, cela donnerait : « À la tombée du soir, cours depuis la tombe des cent quatre-vingt-douze Athéniens jusqu’au receveur et arrive avant l’aube. Tel un suppliant, frappe sept coups à la porte. » En grec, appeler à la porte et frapper à la porte se dit de la même manière.
— C’est très bien. La traduction est tout à fait correcte,
Weitere Kostenlose Bücher