Le Dernier Caton
Athéniens de l’autre. Ce sont les chiffres que donne Hérodote. Nous devons donc partir du tumulus des Athéniens pour arriver à Athènes avant l’aube. Ce que je n’ai pas encore réussi à déchiffrer, c’est notre destination à Athènes, cette histoire de receveur.
— Donc, la résolution de l’épreuve de Jérusalem est la piste de l’épreuve d’Athènes ?
— En effet. C’est pour cette raison que Dante a rassemblé les deux cercles à la moitié du chant XVII.
— Et ils ne nous marqueront pas d’une croix ?
— Ne vous inquiétez pas, ils le feront.
— Donc, nous partons en courant pour la Grèce, dit Farag, amusé.
— Dès que nous aurons résolu cette histoire de receveur.
— Je le craignais, dis-je en m’asseyant et en lisant les papiers que je tenais entre les mains.
Connaissant le capitaine, je n’allais même pas pouvoir faire mes adieux à mon frère.
— Vous avez essayé de trouver le mot en grec, Kaspar ?
— Non. Je vais le faire tout de suite.
Il se lança dans la tâche tandis qu’il grignotait ce que nous lui avions apporté. Pendant ce temps, Farag et moi apprenions tout ce que nous pouvions sur la course de Marathon. Moi qui ne faisais jamais d’exercice physique, menais une vie sédentaire et ne m’étais jamais sentie attirée par aucun type de sport, je me retrouvais maintenant à étudier avec attention les détails d’une course d’endurance légendaire que je devrais bientôt affronter. Mais je ne sais même pas courir ! me dis-je, effrayée. Comment voulait-on que je fasse trente-neuf kilomètres en une nuit, dans le noir ! Est-ce qu’on me prenait pour Abebe Bikila 18 ? C’était évident, j’allais mourir, abandonnée sur une colline isolée, à la froide lueur de la lune, avec pour seule compagnie des animaux dangereux. Et tout ça pour quoi ? Pour obtenir une jolie scarification !
Enfin, le capitaine annonça qu’il était prêt à introduire le texte grec dans les moteurs de recherche. Je m’approchai de lui et occupai sa place. C’était difficile, parce que les lettres latines du clavier ne correspondaient pas tout à fait aux lettres grecques virtuelles qui se dessinaient sur l’écran, mais en peu de temps je dominai la situation et pus manœuvrer avec assez d’aisance. J’avais du mal à suivre parce que, une fois que j’eus tapé καπνικαρειας ( kapnikareias), le capitaine reprit sa place et les rênes de l’ordinateur. Mais, comme il avait encore besoin de moi pour comprendre les pages qui apparaissaient sur l’écran, on aurait dit que nous étions en train de pratiquer le jeu des chaises musicales.
Comme le grec classique et le byzantin présentent des différences importantes avec le grec moderne, il y avait beaucoup de mots ou de constructions que je ne comprenais pas, aussi demandai-je son aide à Farag. Nous essayâmes de traduire approximativement ce qui apparaissait sur l’écran. Enfin, vers minuit, un site de recherche grec appelé Hellas nous fournit une piste fondamentale sous la forme d’une notice en bas de page. Celle-ci indiquait qu’il n’y avait pas d’autres références que celles que nous voyions, mais que par similitude il y avait douze pages supplémentaires que nous pouvions consulter si nous le voulions. Nous acceptâmes, naturellement. Une des adresses concernait le site consacré à une ravissante église byzantine située au cœur d’Athènes, appelée Kapnikarea. Elle était surnommée « église de la Princesse » parce qu’on attribuait sa construction à l’impératrice Irène, qui régna sur Byzance entre 797 et 802. Mais son véritable fondateur était un riche receveur des contributions, qui avait décidé de lui donner le nom de sa profession lucrative.
Nous connaissions désormais les lieux de départ et d’arrivée ; il ne nous restait plus qu’à nous rendre en Grèce, dans la très belle ville d’Athènes, berceau de la pensée humaine. Nous partîmes le lendemain, après que Glauser-Röist eut passé la nuit, pendu au téléphone, à donner des instructions et organiser les prochains jours avec l’aide du saint synode de l’Église de Grèce. Nous quittâmes définitivement un territoire qui pouvait encore être considéré comme latin et catholique, pour entrer de plain-pied dans le monde chrétien oriental. Si tout se passait comme prévu, après Athènes où nous devions vaincre le péché de la paresse, venaient Constantinople,
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