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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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attributs
royaux. La brèche dans la muraille de la ville avait été réparée en une
journée, pendant qu’un groupe de prisonniers creusait un grand trou dans la
plaine. Nous le remplîmes de cadavres pourrissants. Je suppose que mon père
était parmi eux, mais je ne le vis pas. Et maintenant que je repense au passé,
il ne me manqua point. Il avait toujours été un homme morose, pessimiste, et il
ne manifestait aucun amour envers ses enfants.
    La pire corvée qui m’échut fut de peindre des boucliers. Nous
devions d’abord faire bouillir des peaux pour fabriquer de l’empois, une colle
épaisse que nous mélangions à une poudre faite de minerai de cuivre broyé à
l’aide de grosses pierres ; nous obtenions alors une pâte bleue qui devait
être étalée sur les boucliers neufs. Pendant les jours qui suivirent, j’eus les
mains et les bras tout bleus ; mais quand nos boucliers furent accrochés
au vaisseau d’Ubba, celui-là même que j’avais brûlé et radoubé, l’effet en fut
splendide. Apparemment, Ubba projetait de partir et voulait que son navire soit
le plus beau. Sa proue ornée d’une tête s’incurvait et se projetait en avant
comme le col d’un cygne sur l’eau. La tête, mi-dragon, mi-serpent, en formait
la partie supérieure, et pouvait être démontée et rangée dans la cale.
    — Nous les ôtons, m’expliqua Ragnar, pour ne point
effrayer les esprits.
    Entre-temps, j’avais appris des rudiments de la langue dane.
    — Les esprits ?
    Ragnar soupira devant mon ignorance.
    — Chaque terre a ses esprits, ses propres divinités,
m’expliqua-t-il. Lorsque nous approchons de nos côtes, nous ôtons les têtes
pour qu’ils ne soient point effrayés. Combien de fois t’es-tu battu
aujourd’hui ?
    — Aucune.
    — Ils commencent à avoir peur de toi. Qu’as-tu autour
du cou ?
    Je le lui montrai. C’était un marteau de fer grossier, de la
taille d’un pouce. Cela le fit rire et il me donna une calotte.
    — Nous ferons bientôt de toi un Dane, décréta-t-il,
manifestement ravi.
    Le marteau était l’emblème de Thor, un dieu dane presque
aussi important qu’Odin, nom qu’ils donnaient à Woden. Parfois je me demandais
si Thor était le plus important des deux, mais personne ne semblait le savoir
ni s’en soucier. Il n’y avait pas de prêtres parmi les Danes. Cela me plaisait,
car les prêtres passent leur temps à nous asséner des interdits ou à essayer de
nous apprendre à lire, à exiger que nous priions ; la vie sans eux était
beaucoup plus agréable. Les Danes, en vérité, ne se préoccupaient guère de
leurs dieux, et pourtant presque tous arboraient le marteau de Thor. J’avais arraché
le mien du cou d’un garçon qui s’était battu avec moi, et je l’ai encore
aujourd’hui.
    La poupe du navire d’Ubba, qui s’incurvait et s’élevait
aussi haut que sa proue, était décorée d’une tête d’aigle sculptée, tandis que
sa tête de mât s’ornait d’une girouette en forme de dragon. Les boucliers
étaient accrochés sur ses flancs, mais j’appris plus tard qu’ils n’étaient là
qu’en guise de décoration et que, une fois le navire en mer, ils étaient
remisés à bord. Juste au-dessous d’eux étaient percées les écoutilles pour les
avirons, quinze de chaque côté, et toutes bordées de cuir. On obturait ces
trous avec des tampons de bois lorsque le navire était sous voile, afin qu’il
puisse gîter sous le vent sans prendre l’eau. Avec les autres garçons, j’aidai
à récurer tout le navire, mais au préalable il fut coulé dans la rivière afin
de noyer les rats et de chasser les puces. Puis nous le raclâmes de fond en
comble et calfatâmes les fentes en les martelant avec de l’étoupe trempée dans
de la cire. Enfin, le navire fut prêt, le jour même où arriva à Eoferwic mon
oncle Ælfric.
    Je fus instruit de sa visite lorsque Ragnar m’apporta mon
casque, celui qui était cerclé de bronze doré, une tunique brodée de pourpre et
une paire de chaussures. Cela me fit un étrange effet de marcher chaussé de
nouveau.
    — Mets de l’ordre dans tes cheveux, me dit-il. (Puis,
se rappelant qu’il avait apporté le casque, il m’en coiffa.) Non, n’en fais
rien, rectifia-t-il en souriant.
    — Où allons-nous ? demandai-je.
    — Entendre bien des paroles, mon garçon. Perdre notre
temps. Tu ressembles à une putain franque, avec cette tunique.
    — C’est mal ?
    — C’est bien, mon garçon ! Ils ont de

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