Le dernier templier
camion remonter lentement la rue. Arrosant de balles les deux groupes de policiers, il l’utilisa comme couverture pour filer en boitant. Dès qu’il eut passé le carrefour, la chance lui sourit enfin. Un taxi venait de se ranger le long du trottoir et déposait son client, un homme d’affaires japonais en costume clair. D’un coup d’épaule, Gus bouscula l’homme qui payait. Il ouvrit à la volée la portière du conducteur et arracha celui-ci de son siège pour l’éjecter du véhicule.
À peine au volant, Waldron passa la première et sentit quelque chose lui frapper le côté de la tête. C’était le chauffeur du taxi qui voulait récupérer son bien et qui hurlait dans une langue inintelligible. L’abruti. Gus pointa le canon de son Beretta à la fenêtre, pressa la détente et logea une balle en plein dans le visage rubicond. Puis il appuya sur l’accélérateur et dévala la rue en trombe.
16
Écrasant le champignon de sa Chrysler de service, Reilly la lança sur le trottoir et dépassa le camion de livraison. Du coin de l’oeil, il entrevit un groupe de personnes penchées au-dessus du cadavre du chauffeur de taxi.
Aparo communiquait à la radio et écoutait son collègue Buchinski organiser les barrages routiers et les renforts. Toute l’opération avait été montée dans la précipitation. Ils auraient dû boucler la rue. Mais le policier avait dit qu’ils risquaient d’alerter le coupable avant même qu’il atteigne la galerie si l’artère était anormalement calme. Reilly repensa à la silhouette embrasée qu’il avait vue sortir en titubant de la boutique et au conducteur du taxi projeté en arrière par la puissance du tir en pleine tête. Il aurait peut-être mieux valu que le suspect fût alerté.
Il scruta le rétroviseur en se demandant si Buchinski les suivait.
Mais non. Ils étaient seuls.
— Regarde la route !
L’exclamation d’Aparo le recentra sur sa conduite. L’agent fédéral fit zigzaguer la Chrysler dans une enfilade de voitures et de camions. Plusieurs klaxonnaient furieusement contre le taxi qui venait de passer comme un fou au milieu d’eux. Celui-ci obliqua brusquement pour s’engager dans une ruelle. Reilly l’imita. Une bourrasque de détritus soulevés par le passage de la première voiture s’écrasa sur son pare-brise. Il avait le plus grand mal à se repérer.
— Bon Dieu, où sommes-nous ? hurla-t-il.
— On va vers la rivière.
Quand le taxi déboucha de la ruelle, il vira à droite dans un crissement de pneus. Quelques instants plus tard, Reilly en fit autant.
Ils venaient d’atteindre une grande artère. Des véhicules circulaient dans les deux directions, mais aucun signe du taxi.
Il avait disparu.
Conduisant avec maestria pour éviter le trafic dense et rapide, Reilly observait à droite et à gauche.
— Là, cria Aparo en tendant le doigt.
Sans ralentir, le conducteur tourna la tête et vira à gauche sur les chapeaux de roue pour s’engager dans une autre ruelle. Il écrasa la pédale d’accélérateur. La Chrysler rebondit dans la voie étroite, fracassa à toute volée des poubelles pleines et projeta des gerbes d’étincelles de chaque côté.
La rue dans laquelle ils surgirent était encombrée de voitures garées. Reilly entendit des grincements de métal. Dans sa course éperdue, le taxi frottait les pare-chocs et les enjoliveurs des véhicules qui ne lui laissaient pas le champ libre. Les impacts étaient furtifs, mais suffisants pour ralentir sa fuite.
Un autre virage sec vers la droite permit cette fois aux deux agents d’apercevoir enfin des panneaux indicateurs : ils annonçaient le Lincoln Tunnel. Mais surtout, la Chrysler gagnait du terrain. Du coin de l’oeil, Reilly vit qu’Aparo avait sorti son revolver, posé sur ses cuisses.
— N’essaye pas, lui dit-il. Tu pourrais avoir la chance de l’atteindre.
À cette vitesse, si le taxi incontrôlable partait dans le décor, il pouvait provoquer un désastre.
Le véhicule du fugitif tourna encore brutalement pour s’engager dans une nouvelle artère. Il sema la panique au milieu des piétons qui traversaient un passage protégé.
Soudain, Reilly surprit une forme sortant de la vitre avant gauche du taxi. Une arme ? Non, c’était impossible. Il aurait fallu être stupide pour conduire et tirer simultanément. Stupide... ou fou à lier.
La réponse vint dans la seconde. Un éclair et de la fumée jaillirent.
— Accroche-toi !
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