Le dernier vol du faucon
ne jamais révéler son identité. Il était sans doute le seul, en dehors du harem, à savoir qu'elle était la seconde épouse du Pra Klang. Quelle serait sa réaction si on le questionnait?
Sunida vit que l'homme continuait à l'observer. Sa vie était en jeu et il serait difficile à convaincre. Sans doute avait-il déjà tout arrangé avant de l'interroger.
Ils se mesurèrent des yeux en silence jusqu'à ce qu'un coup soit frappé à la porte. Un étrange pressentiment envahit Sunida.
Un esclave se prosterna sur le seuil. «Noble Capitaine, votre hôte est arrivé. La dame attend dans le salon de Son Altesse Royale. »
Le capitaine se leva et fit signe à Sunida de le suivre. Ainsi c'était une femme qui devait l'identifier, songea la jeune Siamoise, surprise. Les femmes du harem n'avaient de comptes à rendre qu'au Seigneir de la Vie et ne pouvaient être interrogées que par lui. Il y avait là quelque chose d'irrégulier.
Elle suivit le capitaine à travers une cour menar t aux appartements de Chao Fa Noi et fut introduite dans l'antichambre. Le capitaine se prosterna sur le seuil du salon.
«Noble Dame, voici la femme qui dit s'appeler Sunida.
- Fais-la entrer!» répondit une voix manifestement habituée à donner des ordres.
Prosternée elle aussi sur le seuil, Sunida coula un regard oblique dans sa direction et se sentit aussitôt traversée par un frisson glacé. Elle avait reconnu la femme sans difficulté. Comment oublier, en effet, ces traits eurasiens et cette peau couleur de perle? Elle portait un kimono bleu pâle et ses cheveux noirs étaient noués en chignon. Ses pieds minuscules poin taient sous l'ourlet de son long vêtement.
« Laissez-nous seules ! » ordonna-t-elle. Le capitaine rampa à reculons tandis que Sunida attendait avee appréhension.
Dès que le garde eut disparu, la voix se fit pluj douce, presque enjôleuse. «Ne vous inquiétez pas mon enfant. Je sais qui vous êtes... »
Sunida fut surprise par la cordialité apparente de la voix.
«Vous pouvez vous asseoir et me regarder, repril dame Maria. Oubliez le protocole, nous avons à parler. >;
Sunida resta en alerte car son maître avait souvent évoqué devant elle le caractère changeant de sa première épouse. Pourtant, un rayon d'espoir réchauffa le coeur de la jeune Siamoise. Était-il possible que Maria ait enfin compris que le sort de Phaulkon les plaçait toutes deux devant des urgences communes ?
«N'ayez pas peur, mon enfant. Je sais parfaitement que le sort de mon honorable époux nous concerne de concert. Nous devons donc nous donner la main pour l'aider. »
La méfiance de Sunida commença à se dissiper, d 'autant qu'elle ne demandait qu'à servir cette femme. Se pouvait-il que, sous l'effet du danger, elles parv iennent enfin à se rapprocher? Elle se redressa pour s'asseoir sur ses talons, partagée entre l'espoir et la crainte.
« Le capitaine m'a demandé si mon mari avait déjà mentionné devant moi l'existence d'une concubine royale du nom de Sunida. J'ai tout de suite su que c'était de vous qu'il s'agissait. Que lui avez-vous dit exactement ?
- Que j'étais une concubine royale, Honorable Dame, répondit prudemment Sunida.
- Vraiment?»
Sunida vit une brève crispation de souffrance contracter ses traits. Sa voix demeura cependant ferme quand elle reprit la parole. «Mais vous êtes depuis de nombreuses années la seconde épouse de mon mari, comme nous le savons toutes deux. »
Sunida crut déceler une note d'incertitude dans ces paroles, comme si Maria espérait une réponse négative. Elle se demanda un instant si cet interrogatoire visait seulement à confirmer ses soupçons. Mieux valait peut-être ne rien dire de sa relation avec Phaulkon.
«Nous devons être franches l'une envers l'autre, ma chère, poursuivit Maria d'une voix douce. Si nous voulons poursuivre notre but la main dans la main.»
Sunida gardait toujours le silence tandis que Maria lui adressait un sourire encourageant.
«On m'a demandé de vous identifier. Est-ce que cela vous aiderait que je confirme au capitaine que vous êtes réellement une concubine royale? Je suis prête à le faire si vous vous montrez sincère avec moi. »
Sunida était perplexe. Etait-ce un piège? Maria pouvait-elle avoir encore un doute à son sujet?
La voix de Maria se fit plus sévère. « En ma qualité d'épouse principale, je vous ordonne de me dire la vérité.
- Vous savez qui je suis, Honorable Dame, finit par répondre
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