Le dernier vol du faucon
propre chair torturée et tourna la tête pour vomir. Soudain, l'horrible sensation de brûlure fut un peu moins cruelle. La flamme avait été écartée de son pied.
Les tortionnaires regardaient en direction de la porte. Il suivit leur regard et aperçut une silhouette prostrée sur le sol. L'un des gardes de Petraja brandissait une épée au-dessus de sa tête. L'homme portait autour du cou comme un collier sa langue coupée. Puis une autre silhouette vint s'écrouler à ses côtés dans le même état, et d'autres encore.
Les gardes stupéfaits allaient sortir pour voir ce qui se passait quand un groupe bruyant de mercenaires farangs armés de mousquets se précipita à travers la porte ouverte. Les Siamois tentèrent vainement de leur barrer le passage tandis que Petraja, sentant le vent tourner, disparaissait vivement dans l'escalier.
Maniant l'épée et le mousquet, les Portugais se frayèrent un chemin dans le cachot, abandonnant une traînée de morts sur leur passage. Joao plongea son épée dans le cou massif de l'un des bourreaux encore en vie et un flot de sang éclaboussa sa poitrine.
Le massacre terminé, les mercenaires poussèrent un cri de triomphe en apercevant Phaulkon.
« O Barcalon. Viva o Barcalon ! »
Mais Phaulkon était évanoui.
« Est-il encore vivant ? » demanda l'un des hommes.
Vasco avait l'oreille collée sur la poitrine du Grec. «Oui, mais il nous faut une civière. Son pied est méchamment brûlé.
- Les bâtards! jura Joao en détachant les liens de Phaulkon. Il était temps que nous arrivions, les amis ! Attention en le soulevant ! »
Ils déposèrent Phaulkon sur la civière restante et l'emportèrent sans traîner.
Dehors, Joao scruta rapidement les environs. Il vit des groupes de Siamois embusqués derrière chaque arbre ou tapis dans les recoins sombres des passages voûtés. Les hommes de Joao levèrent leurs mousquets pour couvrir leur marche, les uns dirigés sur la droite, les autres sur la gauche. À leur vue, les Siamois reculèrent vivement, visiblement apeurés par ces armes qui tuaient à distance.
« Retournons à la porte ! » ordonna Joao tandis que ses hommes entouraient la civière pour la protéger.
Avec une bonne vingtaine de mousquets prêts à faire feu, le groupe se dirigea rapidement vers la porte du Palais par laquelle il était entré.
Sunida était accroupie devant le robuste capitaine. Ils étaient seuls dans une petite pièce nue dans le quartier des esclaves, non loin de la maison de Chao Fa Noi.
Elle devinait sous la surface, prête à éclater, la colère mêlée de peur de son geôlier. Leurs vies à tous deux ne tenaient qu'à un fil. Il portait la responsabilité ultime de la mort du jeune prince. A moins de mettre au jour le complot et de produire les coupables, il serait certainement accusé de négligence et condamné. Sunida tremblait au fond d'elle-même, sachant qu'il avait intérêt à l'incriminer.
Il la scrutait de ses yeux étroits et froids qui paraissaient encore plus petits au regard de son cou épais et de son visage carré.
«Qui étaient ces prêtres? aboya-t-il une nouvelle fois.
- Je ne les avais jamais vus avant, Capitaine.
- Vous leur avez parlé, pourtant.
- Je me suis adressée à eux car il s'agissait de prêtres farangs. Mon Seigneur et Maître m'a ordonné de me renseigner sur la situation à Ayuthia. Les prêtres farangs sont généralement une bonne source d'information. »
Elle le vit abaisser les coins de ses lèvres en une moue dédaigneuse. « Qui est votre Seigneur et Maître ? » lâcha-t-il d'un ton sarcastique.
Sunida feignit la surprise. «Mais c'est le Seigneur de la Vie ! » s'écria-t-elle en touchant vivement le sol de son front.
Elle avait eu le temps de le voir hausser un sourcil. Etait-ce de surprise ou d'incrédulité?
«Je suis une ancienne concubine de Sa Majesté», précisa-t-elle fièrement.
Indécis, il se prosterna malgré tout brièvement. «Avez-vous une preuve de cela?
- J'ai sur moi un rubis qui m'a été remis par le Seigneur de la Vie afin que le prince royal puisse m'identifier. Je l'ai montré à ses gardes.»
Elle porta les mains à sa tête.
«Les gardes sont tous morts, répliqua-t-il, à nouveau menaçant. Et ceux qui ont survécu ont été exécutés. Si vous ne me fournissez pas une preuve satisfaisante de votre identité, vous subirez le même sort. »
Sunida s'efforça de garder son calme. Elle ne devait manifester que de l'indignation et surtout
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