Le dernier vol du faucon
venir tous les deux ! » Il leva la tête. « Gardes, allez chercher le seigneur Vichaiyen immédiatement ! »
Sur ces mots, il retomba en arrière sur ses coussins et sa respiration redevint rauque et sifflante.
«Que fait donc ce maudit jésuite?» murmura Yut'atip, irritée.
On s'agita à la porte et les esclaves s'écartèrent pour laisser entrer le Premier Gentilhomme de la Chambre royale suivi par le père de Bèze, le médecin jésuite. Le visage de ce dernier était meurtri et sa robe déchirée. Il s'inclina profondément devant le lit du Seigneur de la Vie.
«Auguste et Puissant monarque, moi qui ne suis qu'un cheveu de votre tête, je demande humblement la permission de m'approcher du Seigneur de la Vie pour l'examiner. »
Cette requête resta sans réponse. Un sifflement irrégulier, douloureux, s'échappait des poumons du roi. Au bout de quelques instants, la princesse Yut'atip se tourna vers le petit jésuite.
«Vous nous avez négligés, Père. J'ose espérer que vos raisons sont bonnes. Une attaque est imminente. J'ai observé qu'elle se produit toujours après cet état d'inconscience.
- Auguste Princesse, croyez bien que je suis le plus confus de cette absence et, à un moment plus propice, je tenterai de vous l'expliquer. Pour l'instant, il est plus urgent que j'apprenne ce qui s'est produit pour mettre le Seigneur de la Vie dans un tel état. » Le religieux parlait un siamois convenable bien que marqué par un fort accent français. Du coin de l'œil, il glissa un regard vers la forme prostrée de la jeune princesse.
« Mon Vénérable Père a exprimé quelque préoccupation concernant la succession au trône, répondit Yotatep, le visage toujours caché. Je présume que vous, Père, êtes tout aussi favorable que lui à la candidature de Pra Piya. »
Tout en rampant pour s'approcher du roi, le jésuite répondit d'un ton courtois. «Si le Seigneur de la Vie, dans son immense sagesse, a jugé bon de choisir ce jeune homme comme successeur, qui sommes-nous, nous autres pauvres jésuites, pour juger du choix éclairé de Son Altesse?
- Qui parle? demanda soudain le roi. Vichaiyen, est-ce toi ? »
Il leva la tête pour jeter un regard éperdu autour de lui.
«Auguste et Puissant Seigneur, commença de Bèze, je...
- Quoi, fille! Encore ici! gronda le roi en apercevant Yotatep. Ne t'avons-nous pas bannie de notre vue ? A moins que tu ne sois disposée à te comporter selon nos désirs?
- Père très honoré, Seigneur de ma vie, je ne peux épouser Piya. »
La colère sembla redonner au roi un regain inespéré d'énergie. Il se hissa sur un coude, indifférent à tous, excepté sa fille. «Alors tu seras exilée à jamais! Tu vivras dans une pièce isolée de notre palais d'Ayu-thia. Un garde sera posté à ta porte et en interdira l'accès aux visiteurs. Tu n'auras qu'un seul esclave pour préparer tes repas et personne d'autre à qui parler. Plus jamais tu ne reverras ton père jusqu'à ce que tu te sois repentie et que la raison te soit revenue. Nous annoncerons publiquement que tu es entrée dans un monastère pour y méditer jusqu'au jour de tes noces avec Pra Piya. Ainsi, le pays pourra se préparer dans le calme à la succession que nous avons décidée. »
Un silence profond tomba sur la pièce après cette terrible sentence. Yotatep elle-même sembla se ratatiner sous le coup d'une telle sévérité. Mais, au bout d'un court instant, tremblante d'émotion, sa jeune voix se fit à nouveau entendre.
«Vénérable Père, même si je dois passer le reste de ma vie dans l'isolement, je refuse d'épouser un homme que je méprise. »
Les yeux du roi jetèrent des éclairs. «Peut-être, alors, l'exécution de ton traître d'oncle, depuis longtemps remise, te convaincra-t-elle d'agir autrement?
- Honorable Père, répliqua Yotatep d'une voix forte, si mon oncle doit mourir, je mourrai avec lui ! »
A ces mots, le roi devint livide. Il lança ses jambes grêles à bas du lit et s'agrippa à l'une des colonnes. Sa poitrine se soulevait frénétiquement, luttant pour aspirer de l'air. De Bèze s'approcha de lui en rampant tout en maudissant intérieurement son absence forcée. Mais le Seigneur de la Vie l'arrêta d'un mouvement du doigt. Aussitôt, le prêtre s'aplatit sur le sol, de peur d'irriter davantage le vieux monarque.
La main tremblante de Naraï se pointa sur Yotatep. A cet instant précis, un rayon de soleil vint frapper l'énorme rubis glissé à son doigt. Un
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