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Le dernier vol du faucon

Le dernier vol du faucon

Titel: Le dernier vol du faucon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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hauts remparts d'Ayuthia. La vue de la ville cernée d'impressionnantes murailles lui inspirait toujours un respect mêlé de crainte. Bâtie sur une île, Ayuthia était entourée de toutes parts par les eaux du puissant Chao Phraya, le Fleuve des Rois. C'était une cité plus grande que Paris et, à bien des égards, encore plus splendide. D'imposantes portes creusées dans l'épaisse maçonnerie s'ouvraient à intervalles réguliers pour permettre le trafic fluvial. A l'intérieur, un dédale de canaux surmontés de ponts en dos d'âne traçait un extraordinaire réseau de communications. Ici, la voie
    d'eau tenait lieu de rue. Rien d'étonnant à ce que les premiers visiteurs européens, éblouis par la beauté d'Ayuthia, l'aient baptisée «Venise de l'Orient». La population, toujours affairée, se sentait aussi à l'aise sur une embarcation que sur terre.
    Les grandes portes demeuraient fermées du crépuscule à l'aube et aucun étranger n'était autorisé à séjourner dans la ville après la tombée de la nuit.
    Aucun étranger, sauf un...
    Quand il aperçut la proue luisante de la longue barque de Phaulkon mue par cent rameurs vêtus de tuniques rouges et de couvre-chefs assortis, le gardien leva la grille pour la laisser emprunter le grand canal. Puis il se prosterna front contre sol, en signe de respect. A cette heure tardive, le trafic était rare, mais les quelques barques encore présentes s'écartèrent vivement lorsque la proue ornée de l'oiseau mythique garuda surgit dans la pénombre. Un peu plus loin, un vaste espace clos de murs cachait une seconde ville à l'intérieur de la première: cité interdite où personne n'avait le droit de pénétrer indûment sous peine de mort. Les grandes flèches des pagodes pointant au-dessus des murs crénelés du Palais royal scintillaient encore faiblement dans la pâle lumière du soir. A l'intérieur de cette enceinte, le Seigneur de la Vie régnait sur une population de vingt mille esclaves, eunuques, valets, concubines et gardes. Mais le Maître de la Vie était absent car il résidait pour le moment dans son Palais d'été de Louvo, à huit heures de navigation par le fleuve. Grâce aux brises venues du nord, la région bénéficiait d'un climat tempéré et l'air y était bien meilleur pour l'asthme du monarque.
    Phaulkon s'était également fait construire un palais à Louvo pour être près de son maître souffrant. Mais Maria, son épouse, ne pouvait supporter d'être éloignée de l'orphelinat qu'elle avait fondé dans la capitale et auquel elle s'était totalement dévouée. Elle se plaignait amèrement des fréquentes absences de son mari lequel, lui, ne voyait que des avantages à cet arrangement qui lui permettait de passer plus de temps
    avec Sunida, sa maîtresse bien-aimée. Non sans taquiner Phaulkon sur les privations qu'imposait la monogamie catholique, le roi Naraï avait accepté d'héberger Sunida dans son palais de Louvo parmi les concubines royales. «Tu peux bien te considérer dans ta tête comme un catholique, Vichaiyen, lui disait souvent le Seigneur de la Vie avec un petit rire, mais dans ton cœur, tu es bel et bien l'un des nôtres. »
    Dans le harem du roi, les femmes avaient dû jurer de ne pas ébruiter le fait et, comme le châtiment infligé aux contrevenantes consistait à leur coudre les lèvres, la présence de Sunida parmi elles demeurait un secret bien gardé.
    Bien sûr, la noblesse siamoise était ouvertement polygame. La première femme était considérée comme la principale épouse et les autres concubines comme des épouses de second rang, même si elles n'étaient pas mariées. Un homme riche pouvait s'enorgueillir de posséder autant de secondes épouses qu'il le désirait et tous les enfants qu'elles mettaient au monde étaient reconnus comme légitimes.
    Phaulkon n'en était pas moins fâché d'avoir à mentir à Maria. Il aurait nettement préféré que tout se passe au grand jour, mais la rigidité des principes catholiques ne lui laissait pas d'autre choix. Sunida aurait, elle aussi, aimé offrir publiquement son soutien à Maria - ainsi que l'exigeait la tradition siamoise - et lui manifester tout le respect dû à une première épouse. Mais il n'en était malheureusement pas question.
    La barque de Phaulkon accosta à un quai de bois au pied des imposantes murailles de la cité royale. L'air se remplit aussitôt de cris excités et une intense activité s'empara du vaste et majestueux édifice dressé

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