Le dernier vol du faucon
demanda Nellie, soudain pleine d'espoir. Mais c'est merveilleux. Il pourra sans doute m'aider à retrouver mon frère.»
Desfarges devint soudain très galant. « Loin de nous l'idée de vous présenter au Premier ministre, madame. Il a trop de goût pour les jolies femmes.»
Nellie eut un rire coquet. « Il n'est donc pas marié ? »
Le général sourit. «Il l'est, mais son épouse vit à Ayuthia alors qu'il passe la majeure partie de son temps à Louvo, à une bonne journée de voyage d'ici.
- Je ne craindrais pas de le rencontrer si je me savais sous votre protection, Général », affirma Nellie avec un sourire enjôleur.
Desfarges rayonna de joie. « Ce serait un honneur pour moi de me considérer comme votre protecteur, madame.
- Voilà qui est très aimable à vous, monsieur. Mais si ce seigneur Phaulkon n'est pas un catholique fervent, je pourrais peut-être l'aider à renforcer sa foi. Mon père était prêcheur et je peux me montrer très persuasive, moi aussi. Je ferais n'importe quoi pour vous remercier de votre amabilité.
- Madame, il n'est pas question de remerciements. »
Le général l'observait, perplexe. Il se demandait
confusément si son voyage dans ce pays lointain ne cachait pas d'autres motifs.
«Madame Tucker, nous souhaiterions vous offrir l'hospitalité au fort pendant quelques jours. Vous et votre fils pourriez profiter d'un peu de repos et - il sourit - apprécier notre cuisine française. L'assassi-nat d'un de nos prêtres est une affaire sérieuse et nous avons besoin de votre assistance pour identifier le meurtrier dès que nous aurons mis la main sur lui. Je suis certain qu'il ne nous faudra pas longtemps en travaillant de concert avec les autorités siamoises.»
Nellie ne s'attendait pas à ce que les événements prennent une telle tournure. Elle ne pouvait risquer que Mark soit reconnu. Si Phaulkon était averti de leur présence, il pouvait refuser de les rencontrer. Ou, qui sait, user de ses pouvoirs étendus pour les faire expulser du Siam. Il fallait élaborer rapidement une stratégie. Et surtout éviter de perdre du temps à Bangkok.
Elle sortit un mouchoir du petit sac suspendu à sa taille et s'en tapota délicatement le front. Au moment de le replacer dans le sac, elle poussa un petit cri.
« Oh, mon Dieu, j'ai apporté cela pour vous le montrer et voilà que j'allais oublier. Que je suis étourdie...» Elle sortit le crucifix et le posa sur la table. «Cet objet est tombé du cou de l'assassin pendant la lutte. »
Les officiers examinèrent la croix avec un vif intérêt. Desfarges paraissait de plus en plus intrigué. Il se demandait comment, même dans ces circonstances, elle avait pu oublier un détail aussi crucial. Les récents événements semblaient décidément l'avoir beaucoup perturbée.
«Il devait appartenir à Malthus, observa Beau-champ.
- Non, il avait toujours le sien à son cou. Je l'ai vu quand j'ai examiné le corps, affirma Le Roy.
- L'assassin est donc un catholique. Voilà qui rétrécit de beaucoup le champ de nos recherches, décréta Beauchamp. La plupart de ceux qui se sont convertis travaillent au séminaire d'Ayuthia. Il devrait être possible de retrouver celui à qui cette croix fait défaut. Le séminaire est le seul à produire ces crucifix en or et je sais que tous sont tenus de les porter. Le père Dublanc me l'a raconté. Tout comme les Siamois portent au cou des amulettes bouddhistes, les jésuites ont pensé qu'il était bon d'exiger de leurs convertis qu'ils portent une croix. Cela leur donne un sentiment d'appartenance. »
Dassieux prit un air dubitatif.
«L'homme n'aurait-il pas pu s'en faire faire une autre au-dehors? Ces croix ne sont sûrement pas irremplaçables.
- Elles sont en or et portent le sceau des Jésuites. Qui d'autre, dans ce pays, pourrait en fabriquer? rétorqua Beauchamp.
- Si je me rendais à Ayuthia, je pourrais peut-être vous aider à identifier le coupable», suggéra Nellie.
Le général réfléchit un instant.
«Je pense qu'il est préférable que vous restiez quelque temps ici avant que votre présence ne soit connue de tout le pays, madame Tucker. L'assassin ne peut savoir que vous avez trouvé le crucifix. Il va se tenir tranquille un certain temps jusqu'à ce qu'il se sente en sécurité. Ensuite, il cherchera sans doute à s'en procurer un autre sous une excuse quelconque.
- Possible, admit Beauchamp, d'autant qu'ils sont supposés les porter en permanence.
- Alors,
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