Le dernier vol du faucon
protéger ses restes royaux de toute profanation et, ainsi, il pourra mourir en paix tandis que nous restaurerons la puissance de notre pays en couronnant l'héritier légitime du trône - c'est-à-dire vous. »
Chao Fa Noi ne semblait pas encore revenu de sa surprise. «La seule pensée de telles horreurs est un blasphème, gémit-il. Le Seigneur Bouddha nous punira sûrement. »
Petraja ne put retenir un petit rire intérieur. Chao Fa Noi s'imaginait-il qu'il ne serait pas puni pour sa dépravation et son absence criante de sens moral? Il l'observa du coin de l'œil en se demandant combien de temps il lui faudrait encore pour reconnaître l'ingéniosité de ce plan. De toute façon, ni l'un ni l'autre n'avait le choix. Les crises exigeaient toujours des solutions radicales.
«Mais, alors, qu'arrivera-t-il à mon frère?» interrogea Chao Fa Noi en fronçant les sourcils. « Le roi le fera sûrement mettre à mort.
- Apai Tôt est un arriéré mental, un déséquilibré, épileptique de surcroît. D'aussi loin que je m'en souvienne, il mène dans ce Palais une existence de prisonnier. Quand nous étions encore enfants, Sa Majesté a juré de ne jamais attenter à la vie de son frère aliéné, quoi que celui-ci puisse faire. Il ne souillera pas ses mains du sang d'un être déjà aussi affligé par la nature. »
Le prince devenait de plus en plus nerveux. «Et quel rôle devrais-je jouer dans toute cette affaire?
- Simplement appuyer ma version des faits lorsque je vous le demanderai, Altesse. Votre confirmation donnera du poids à mes dires. »
Le prince ne semblait pas apaisé pour autant. Cependant, il commençait à comprendre que sa prétention au trône se trouverait grandement facilitée par le soutien d'une armée, surtout si celle-ci était placée sous les ordres de Petraja.
«Etes-vous certain qu'Apai Tôt ne songe pas réellement à monter sur le trône? demanda-t-il tout à coup, pâlissant devant ce nouveau sujet d'inquiétude.
- J'en doute. Mais si tel était le cas, il n'irait pas bien loin car sa démence est connue de tous. Et c'est bien vous que le peuple voudra voir à la tête du pays. »
Le prince parut céder, pourtant son visage s'assombrit à nouveau. Si seulement il existait d'autres moyens d'agir! pensait-il, affolé.
« Général, je vais être franc avec vous. Je préférerais que cette conversation n'ait jamais eu lieu.
- Mais, Altesse, elle n'a jamais eu lieu. Vous pouvez la rayer de vos pensées. Je ferai de mon mieux pour que vous n'ayez jamais à la confirmer. »
L'essentiel, songea Petraja, était d'avoir semé la graine dans son esprit. Désormais, le prince, préparé à entendre les fausses rumeurs qui n'allaient pas tarder à circuler, ne les contredirait probablement pas. Il ne serait pas dans son intérêt de le faire. Et cc serait bien suffisant pour rendre l'affaire crédible.
«La seule chose dont vous ayez à vous souvenir quoi qu'il arrive, c'est que vous pouvez compter sur mon indéfectible allégeance. Il est temps maintenanl pour moi de vous quitter. Toute communication ultérieure que je vous adresserai portera la signature de Dawee.
- Adieu donc, Général.»
Petraja s'inclina profondément et sortit. Comme il pénétrait dans la cour intérieure où l'attendait le capitaine de la garde royale, il se tourna vers l'esclave du prince qui l'avait accompagné jusque-là et lui dit d'un ton de sympathie :
«J'ai appris avec tristesse l'exécution d'aujourd'hui. Ne s'agissait-il pas de ce charmant couple si attaché au prince?»
L'esclave eut un triste sourire. « Nous sommes tous très attachés au prince, Excellence. Et nous sommes tous appelés de temps en temps à satisfaire ses plaisirs. »
Rassuré, Petraja poursuivit son chemin, riant sous cape d'avoir pu berner si aisément ce prince aussi crédule que pervers.
Les trois jours accordés à Phaulkon pour révéler le nom du traître étaient révolus, et le Seigneur de la Vie attendait une réponse.
Phaulkon avait réussi à le faire patienter, priant pour que Krit ne tarde pas à faire son apparition afin de pouvoir l'interroger en personne. Lorsque le garçon s'était enfin présenté, il l 'avait écouté avec la plus extrême attention, le pressant de questions. Encore sous le coup de l'effroi, Krit avait raconté comment, cachés dans l'antichambre avec Choom, il avait entendu Petraja réclamer leur mise à mort sans délai. Phaulkon avait beau l'assurer qu'il n'avait plus rien à
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