Le dernier vol du faucon
craindre, l'adolescent ne cessait de jeter des regards apeurés autour de lui, comme s'il redoutait qu'un assassin surgisse de derrière quelque meuble.
Phaulkon était maintenant assuré de posséder assez de preuves pour incriminer le général félon et le faire arrêter. Il fallait se servir de Dawee pour tendre le piège. Pourtant, malgré l'évidence des faits, mettre Petraja en cause allait certainement s'avérer la tâche la plus difficile de toute sa carrière de Barcalon. En tant que plus vieil ami du roi, le général bénéficiait en effet de la confiance absolue du monarque.
Phaulkon ajusta son chapeau conique et se prépara à gagner le palais pour la plus éprouvante des audiences. Au moment où il se dirigeait vers la porte, un esclave annonça l'arrivée de Maria, sa femme. Il jura à mi-voix. Partir sans la recevoir serait une indélicatesse qu elle ne cesserait, par la suite, de lui reprocher. Il ne restait plus qu'à lui faire croire que Sa Majesté l'avait fait appeler d'urgence, ce que le chapeau conique fixé sur sa tête ne pouvait que confirmer.
Quelques instants plus tard, Maria pénétra dans la pièce, la mine sombre. «Ainsi, commença-t-elle sans le moindre préambule, Malthus a été éliminé. » Elle se planta devant lui, pâle de rage.
Surpris, il la dévisagea. «Vous ne suggérez tout de même pas que c'est moi qui ai ordonné ce meurtre?»
Elle soutint son regard, dissimulant mal sa fureur. «Il n'y a pas un seul jésuite au séminaire qui ne soit convaincu de cette hypothèse, Constant. »
Il prit un ton négligent, presque désinvolte. «Eh bien, il n'y a pas un seul jésuite au séminaire qui ait raison.
- Croyez-vous que j'aie oublié vos paroles? s'écria-t-elle, la voix tremblante. N'avez-vous pas dit: "Il faut arrêter Malthus à tout prix et, s'il le faut, je m'en chargerai moi-même?" Que croyez-vous que je ressente, à présent ? »
Elle semblait sur le point de fondre en larmes.
«Comment pouvez-vous croire une chose pareille, Maria ? »
Elle parut se radoucir imperceptiblement. «Alors, c'est à vous de me convaincre que je me trompe.
- Rien ne me ferait plus plaisir. Mais j'ai l'impression que votre opinion est déjà faite.»
Voyant qu'elle était au bord des larmes, il la prit doucement par les épaules et plongea ses yeux dans les siens.
« Maria, croyez-moi, ce n'est pas moi qui ai ordonné ce meurtre. »
Elle posa la tête contre son épaule, laissant ses larmes rouler sur ses joues. «J'aimerais tant vous croire !
- Reprenez-vous, Maria, murmura-t-il en lui caressant tendrement les cheveux. Je suis peut-être un catholique peu zélé, mais certainement pas un assassin.»
Elle leva les yeux vers lui. Il avait au moins une tête de plus qu'elle. «Qui l'a fait, alors? J'admirais tant Malthus ! C'était un homme remarquable...
- Je l'ignore mais j'ai bien l'intention de le découvrir. Il y aurait, paraît-il, un témoin qui a vu toute la scène - une Anglaise. Je compte bien l'interroger.
- Une Anglaise?» Elle parut surprise. «De qui s'agit-il ?
- Ma chère, je n'en ai pas la moindre idée.»
Maria réussit à sourire. «Vous, l'homme le plus
puissant du pays, qui possédez des espions dans chaque port, vous ne connaissez pas l'identité de tous ceux qui foulent ce sol? J'avoue avoir quelque difficulté à vous croire.
- C'est pourtant le cas. Il peut arriver que mon réseau d'informateurs comporte des lacunes.»
Elle afficha à nouveau une mine soupçonneuse. « Peut-ctre est-ce que cette Anglaise est trop jolie que vous ne voulez pas m'en parler. Seriez-vous en train de me cacher quelque chose, Constant?
- Je le voudrais bien. Je me serv irais aussitôt d'elle pour vous prouver que je n'ai rien à voir dans le meurtre de ce malheureux. Sans doute serez-vous surprise d'apprendre qu'il ne m'est guère agréable d'être soupçonné par ma propre épouse.»
Les yeux de Maria vacillèrent. « Vous savez toujours vous montrer si persuasif, Constant, mais, cette fois, je ne m'y laisserai plus prendre.» Comme fâchée par sa propre faiblesse, elle s'écarta brusquement de lui. Il attendit, connaissant ses humeurs changeantes.
«Si vous me mentez, Constant, je vous jure que je prends notre enfant avec moi et que je pars pour la France. »
Il allait répondre mais il n'en avait plus le temps.
«Maria, je dois partir car Sa Majesté m'attend. Pouvez-vous rester quelques jours ici ? »
Elle secoua la tête. «Non, Constant. J'ai dit ce
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