Le dernier vol du faucon
Supinda? demanda-t-il sans parvenir à détacher ses yeux de la jeune femme.
- A la fête du temple, avec les nourrices royales, mon Seigneur. » Sunida eut un sourire espiègle. « Elle a dû deviner que j'avais envie d'être seule avec vous.
- Comment va-t-elle ?
- Très bien. La bénédiction est sur nous, mon Seigneur.
- Sunida, tu es une déesse », murmura-t-il en s'age-nouillant devant elle. II n'osait pas encore la toucher pour ne pas rompre le charme de cet instant de retrouvailles.
« Oh non, mon Seigneur, je ne suis que trop humaine. Je connais le désir et la fièvre des rêves. Chaque nuit depuis votre départ, j'ai rêvé de vous revoir. Et vous voilà devant moi, enfin! Puis-je m'assurer que vous êtes bien... réel ? »
Elle étendit vers lui ses longs doigts minces pour caresser doucement sa peau au-dessus du genou. Ils restèrent ainsi un long moment, agenouillés l'un devant l'autre tandis qu'une vague de chaleur embrasait le corps de Phaulkon.
« Et vous, mon Seigneur, ne voulez-vous pas constater à votre tour que je ne suis pas un rêve ? »
Il sourit et lui toucha doucement le bras sous le coude. Ce seul contact les fit tous deux frissonner. Un étrange magnétisme émanait d'eux tandis que lentement, silencieusement, comme dirigés par une force extérieure, ils étendaient leurs mains pour dénouer leurs panungs respectifs. Avec des gestes à la fois précis et patients, ils les déroulèrent et les laissèrent glisser sur le sol tels les rideaux d'une pièce de théâtre chinoise.
Toujours agenouillés, ils se caressèrent mutuellement la poitrine jusqu'à ce que les pointes de leurs seins se dressent avec avidité. N'y tenant plus, Phaulkon saisit la jeune femme par les épaules et l'étendit doucement sur la natte, humant avec délices l'odeur délicate de sa peau. Au Siam, on ne s'embrassait pas ainsi que le faisaient les Occidentaux. La sensualité était davantage une affaire d'odorat. Lentement, prenant son temps, Phaulkon renifla le corps de son amante, savourant chaque effluve, chaque parfum. Ronronnant de plaisir, elle ouvrit ses longues et fines jambes pour qu'il puisse en respirer la chaleur.
Puis elle le repoussa en arrière sur la natte, sa longue chevelure tombant en cascade sombre sur lui, et se mit à son tour à le respirer avec ivresse, veillant soigneusement à ce que le plaisir qu'il en retirait reste à sa limite extrême, sans jamais la dépasser. Mais, après ce long temps de séparation, l'impatience de Phaulkon était trop vive. Il se retourna pour se placer au-dessus d'elle, pressant sa poitrine contre ses seins, ses cuisses contre ses membres délicats. Leurs corps se confondirent si parfaitement qu'on les aurait crus moulés par quelque sculpteur inspiré.
De longues minutes s'écoulèrent avant qu'ils puissent à nouveau parler. Flottant dans une douce rêverie, Phaulkon songeait à l'époque où Sunida, la nièce du gouverneur, était première danseuse classique à la cour de Ligor. Il contempla les superbes costumes accrochés aux murs de sa chambre - chacun évoquant un épisode de l'épopée du Ramayana - et les innombrables poupées de tissu revêtues des ornements portés par les danseurs de la Cour. Chacun de ces objets réveillait en lui de doux souvenirs.
«Vous m'avez ensorcelée, mon Seigneur, murmura Sunida à son oreille. Quand je vous ai vu, j'ai oublié toutes les choses que je voulais vous dire. Lorsque vous êtes là, je ne suis plus qu'une créature de la forêt, tout juste bonne à accomplir des choses naturelles.
- Tu dis bien, Sunida. Car tu es bien une nymphe de la forêt. Trop parfaite pour n'être qu'humaine.»
Elle se redressa. «Vous vous trompez, mon Seigneur, car je suis si éloignée de la perfection que j'ai complètement oublié de vous embrasser ainsi que le font les gens de votre race. Pourtant, je me suis sans cesse entraînée à pratiquer cette coutume farang pour vous en faire la surprise. Hélas, mon peuple ignore tout du baiser. Nos lèvres ne servent qu'à absorber la nourriture.
- Oh, vraiment? Et avec qui t'es-tu exercée?»
Le sourire malicieux réapparut. «J'ai alerté toute la communauté farang pour trouver des volontaires, mais quand ils ont découvert qui était mon maître tout-puissant, tous ont trouvé des excuses pour ne pas venir. Aussi, j'ai fini par me contenter de ce coussin... » Elle le lui tendit. «Voyez comme il est usé par tous ces baisers farangs. »
Il se mit à rire. «A
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