Le dernier vol du faucon
du harem royal étaient la source de tous ces bavardages et rien ne semblait devoir échapper à leur curiosité maladive. Leur vie n'était qu'une longue suite d'intrigues et de ragots, entremêlée de liaisons entre lesbiennes, sans doute provoquées par l'abstinence du roi.
« Dans les appartements des femmes, on raconte que la princesse royale n'épousera jamais Pra Piya et que votre ennemi juré, Luang Sorasak, va revenir de sa province et réclamer le trône pour lui », annonça Sunida, le visage grave.
« Quand as-tu entendu ces bavardages ? »
Le sourire malicieux réapparut. « Il y a peu de temps de cela, mon Seigneur. Lorsqu'on vous sait absent, les épouses royales m'invitent à leur rendre visite dans l'espoir de me voir participer à leurs jeux.» Elle gloussa. «Je suis vraiment vilaine, vous savez. Je fais semblant d'être prête à succomber jusqu'à ce que j'aie extrait toutes les informations vous concernant. Après quoi, je redeviens moi-même et repars pour mes appartements.
- Elles doivent te détester de leur résister ainsi. Est-ce que toutes prennent part à ces jeux?
- Ce sont des femmes solitaires, mon Seigneur, surtout depuis que le Seigneur de la Vie est si malade. Comme je suis la seule à résister à leurs avances, il semble qu'elles ne m'en désirent que davantage. » Elle soupira. «Je suis si malheureuse, en vérité. »
Il leva les sourcils. «Toi, malheureuse, Sunida? Et pourquoi ?
- Lorsqu'une femme a connu un maître tel que vous, elle ne peut plus trouver de plaisir ailleurs.
- Je suis dans la même situation que toi, Sunida, dit-il doucement.
- De tous mes amants, vous êtes celui que je préfère, mon Seigneur. »
Stupéfait, il la dévisagea. « Que veux-tu dire ? »
Elle garda quelque temps le silence puis, soudain, leva les yeux vers lui, rayonnante. De son doigt mince, elle lui caressa tendrement l'arête du nez, comme en se jouant. «J'ai de nombreux amants, mon Seigneur, mais tous ont votre visage. Car il s'agit de vous, mais avec des expressions différentes. »
Il la regarda en riant. « Sunida, je ne me rendais pas compte que je pouvais encore être jaloux. Tu m'as réellement ensorcelé, tu sais. »
Elle effleura doucement sa cuisse et, à ce seul contact, il sentit instantanément une onde de chaleur se répandre en lui. Sa main était aussi légère qu'une aile de papillon.
«Alors venez encore une fois dans mes bras, mon Seigneur, car votre absence a été vraiment très longue. »
Ils firent une fois de plus l'amour, savourant chaque seconde comme si l'éternité leur appartenait, ivres de sensations et de caresses, s'excitant et s'apaisant l'un l'autre tour à tour, conscients d'avoir tout ce que deux amants peuvent désirer. Ils demeurèrent longuement étendus, plongés dans leurs pensées.
«Sunida, je dois te dire quelque chose.
- Je vous en prie, mon Seigneur. Dites-moi que vous m'aimez toujours...»
Il avait envie de lui parler de Petraja et de la lettre signée Dawee mais préféra renoncer. Cela ne ferait que l'inquiéter davantage. Il se contenta de lui sourire. «Je suis heureux que tu saches combien je t'aime, Sunida. D'autant que je vais devoir te quitter maintenant. Mais je serai de retour dès que possible.
- Je vais vivre dans l'attente de cet instant, mon Seigneur. »
Elle l'accompagna jusqu'à la porte, toujours souriante. Mais, dès qu'elle se retrouva seule, elle donna libre cours à son chagrin. Les larmes qu'elle avait retenues si longtemps roulèrent à flots sur ses joues. Soixante jours! Oh, miséricordieux Bouddha! Elle allait avoir besoin de toutes ses forces et plus encore pour opposer un défi à ce qui avait été écrit dans les astres.
17
Nellie et Mark passèrent la nuit chez un commerçant portugais, Joao Pareira, ami de Phaulkon et du père de Bèze, qui possédait une petite maison typiquement siamoise dans la banlieue d'Ayuthia. Comme il était trop tard pour se rendre à Louvo ce soir-là, le petit jésuite avait décidé de rester hors de portée du séminaire.
La discussion avait été si vive entre le lieutenant Sautier et le capitaine des gardes de Phaulkon qu'il avait douté un instant qu'on les laisserait repartir pour Louvo. À bout de nerfs, l'officier français avait même tiré son épée pour en menacer de Bèze. Quant à Ducaze, il avait ameuté quelques jésuites pour lui venir en aide, mais les soldats du Barcalon avaient eu vite fait de les immobiliser et d'entraîner Som-chai
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