Le discours d’un roi
Grande-Bretagne.
Encouragé par son traitement d’O’Dwyer, Logue recommença avec cinq autres vétérans – dont un certain G. P. Till, qui avait été gazé alors qu’il combattait dans les rangs australiens à Villers-Bretonneux, dans la Somme. Quand Till vint voir Logue le 23 avril 1919, ses cordes vocales ne vibraient plus et le son de sa voix ne portait pas au-delà de soixante centimètres. Logue le renvoya chez lui le 17 mai, l’estimant guéri. « En fait, je n’ai pas arrêté de parler pendant trois semaines, raconta Till au West Australian. Mes amis me disaient : “Mais tu ne vas jamais te taire ?” et je répondais : “C’est que j’ai beaucoup de temps perdu à rattraper”. »
I - Hiawatha, poème indo-américain, traduction de H. Gomont, Nancy, 1860. (Toutes les notes de bas de page sont du traducteur.)
II - Young Men’s Christian Association.
III - Édimbourg après la bataille de Flodden .
IV - Les Enfants du chemin de fer .
V - Une Eisteddfod est un festival littéraire et artistique lié à la langue galloise, où la poésie joue un grand rôle et au cours duquel des prix sont décernés.
VI - Soissons, porte de l’enfer, poème de Herbert Kaufman (1878-1947), poète, journaliste et essayiste américain.
Chapitre trois
Vers l’Angleterre
Le 19 janvier 1924, Lionel et Myrtle partirent pour l’Angleterre à bord du Hobsons Bay, navire de la compagnie Commonwealth and Dominion à deux mâts et une cheminée. Ils voyagèrent en troisième classe. Ils emmenaient avec eux leurs trois enfants, Laurie, désormais âgé de quinze ans, Valentine, dix ans, et leur troisième fils, Antony Lionel (que tout le monde appelait Boy), né le 10 novembre 1920. Le bateau de 13 837 tonnes comptait 680 passagers et 160 hommes d’équipage, et avait effectué son voyage inaugural de Londres à Brisbane seulement trois ans plus tôt. Au bout de quarante et un jours de mer, ils entrèrent dans le port de Southampton le 29 février.
C’était un pur hasard – mais aussi le fait d’une de ces décisions prises sur l’instant qui marquèrent toute sa vie – si Logue, travaillant alors comme professeur d’élocution à la Perth Technical School, s’était retrouvé sur le Hobsons Bay. Un de ses amis, un médecin, et lui avaient prévu de passer leurs vacances en famille ensemble. Les bagages de la famille Logue étaient faits, la voiture prête, quand le téléphone avait sonné : c’était le médecin.
« Désolé, mais je ne peux pas venir avec vous, avait-il dit, selon un récit qu’en fit plus tard John Gordon, journaliste et ami de Logue 9 . Un ami vient de tomber malade. Il faut que je reste auprès de lui.
— Eh bien, les vacances sont finies, avait déclaré Logue à sa femme.
— Mais tu en as besoin, avait-elle répliqué. Pourquoi ne partirais-tu pas à l’est seul ?
— Non, j’y suis allé l’an dernier.
— Alors, pourquoi pas Colombo ?
— Eh bien, avait répondu Logue, hésitant. Si je partais pour Colombo, ensuite, j’aurais sans doute envie d’aller en Angleterre.
— L’Angleterre ? Pourquoi pas ! » s’était exclamée Myrtle.
Séduite par l’idée, elle demanda à son mari d’appeler un ami qui dirigeait une agence de voyages. Quand Logue s’enquit de la possibilité de prendre deux cabines sur un bateau à destination de la Grande-Bretagne, son ami éclata de rire.
« Ne sois pas idiot, dit-il. C’est l’année de Wembley. Il n’y a pas une cabine de libre sur un seul bateau, et il n’y a pas de raison que ça change. »
Il n’eut pas à leur expliquer ce qu’il entendait par Wembley. En avril de cette année-là, George V et le prince de Galles devaient inaugurer l’exposition de l’Empire britannique, une des plus grandes expositions du monde, à Wembley, dans le nord-ouest de Londres. Jamais l’événement n’avait été aussi ambitieux, et il avait pour but de servir de vitrine à un Empire à son apogée, qui comptait désormais 458 millions d’habitants (un quart de la population de la planète) et couvrait un quart de toutes les terres émergées. L’objectif affiché de l’exposition était « de stimuler le commerce, resserrer les liens entre la mère patrie et ses États frères, leur permettre de se rapprocher les uns des autres, et à tous ceux qui avaient fait allégeance au drapeau britannique, de se retrouver et d’apprendre à se connaître ».
Trois gigantesques édifices – les
Weitere Kostenlose Bücher