Le discours d’un roi
été parfaitement clairement entendu dans tous les États-Unis et jusqu’aux confins de l’Empire ». Pendant ce temps, le téléphone de Logue n’avait pas arrêté de sonner. « Tout le monde a été conquis par ce discours, écrit-il dans son journal. Eric Mieville m’a téléphoné depuis le palais de Buckingham pour me dire qu’il avait reçu un accueil fantastique dans le monde entier. Le roi l’appela pendant notre conversation et j’en profitai pour lui transmettre mes félicitations. » Dans tout l’Empire et au-delà, les réactions étaient enthousiastes.
Le lendemain matin, un samedi, Logue et Myrtle décidèrent de fêter le succès du roi en allant voir Mon petit poussin chéri , une comédie se déroulant dans l’Ouest américain des années 1880 avec Mae West et W.C. Fields. Après cela, Valentine emmena ses parents dîner dans un restaurant que Myrtle avait surnommé « le Hongrois ». C’était la première fois qu’ils y retournaient depuis le début de la guerre, et l’orchestre joua toutes les chansons préférées de Myrtle.
Il faudrait toutefois plus qu’un discours – aussi admirable fût-il – pour inverser la tendance sur les champs de bataille. La Belgique tomba à son tour aux mains des Allemands. Commandant en chef des forces armées, le roi Léopold III avait voulu continuer à se battre aux côtés des Alliés, imitant ainsi l’exemple héroïque de son père, le roi Albert, durant la Première Guerre mondiale. Mais, cette fois, la situation était différente et, le 25 mai, convaincu que toute résistance était inutile, le roi des Belges capitula. Il prit la décision – très controversée – de rester auprès de son peuple au lieu d’accompagner ses ministres réfugiés en France, d’où ils tentèrent de former un gouvernement en exil. Le roi des Belges fut alors – assez injustement – vilipendé en Angleterre. Sa conduite durant la guerre suscita des divisions au sein de son propre pays et serait à l’origine de son abdication dix ans plus tard.
La colère des Anglais devant la capitulation de Léopold s’expliquait largement par l’effet dévastateur de cette décision pour les forces alliées : leur flanc gauche était désormais entièrement à découvert et il leur fallait à présent se replier sur la Manche. La seule solution était de monter une opération de sauvetage, qui allait devenir un des épisodes les plus dramatiques de la guerre. Le 27 mai, les premières embarcations d’une flotte de près de 700 navires marchands, bateaux de pêche, bateaux de plaisance et autres canots de sauvetage de la Royal National Lifeboat Institution commencèrent à évacuer les troupes françaises et britanniques des plages de Dunkerque. Au neuvième jour de l’opération, un total de 338 226 soldats (198 229 Britanniques et 139 997 Français) avaient été sauvés.
Le 4 juin, dernier jour de l’évacuation, Churchill prononça l’un de ses plus célèbres discours de guerre, si ce n’est de sa carrière. « Même si de vastes pans de l’Europe et bien des vieilles et grandes nations sont tombés ou risquent de tomber entre les mains de la Gestapo et de l’odieux pouvoir nazi, nous ne faiblirons pas et nous ne faillirons pas », déclara-t-il devant la Chambre des communes avant de s’engager solennellement à se « battre sur les plages ».
Le jour suivant, Myrtle nota simplement : « Tous nos hommes sont partis. Dieu soit loué. J’ai rencontré plusieurs infirmières, cet épisode restera à jamais gravé dans nos mémoires. » Mais Myrtle avait d’autres préoccupations : le 1 er juin, en plein milieu de l’opération d’évacuation, elle apprit que Laurie, son fils aîné, avait décidé de s’engager dans l’armée. Ayant déjà passé la trentaine, marié et père de famille, Laurie ne fut pas parmi les premiers appelés. Il reçut son ordre de mobilisation à la fin du mois de mars. En apprenant la nouvelle, Myrtle et Jo ne purent s’empêcher « d’essuyer une larme ».
Pour bien des gens, ce que l’on surnomma « l’esprit de Dunkerque » résumait à merveille cette capacité des Anglais à se mobiliser en cas d’urgence et dans l’adversité. Force était toutefois de constater que tout l’héroïsme et les exploits des sauveteurs ne suffisaient pas à transformer cet épisode en victoire. En privé, Churchill déclara devant ses secrétaires d’État que la bataille de Dunkerque était
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