Le discours d’un roi
« la plus grande défaite de l’armée britannique depuis des siècles ».
Et les mauvaises nouvelles continuaient de pleuvoir. Le 14 juin, Paris était occupé par la Wehrmacht, et trois jours plus tard, le maréchal Pétain (nommé président du Conseil et doté de pouvoirs exceptionnels) annonçait que la France demandait la signature d’un armistice. « C’est la pire journée que nous ayons vécue », écrivit Myrtle dans son journal. Elle avait appris la nouvelle d’un chauffeur de bus écoeuré qui ne s’était pas privé « de proclamer devant tout le monde le sort qu’il réservait à tous les Français… Au moins n’y a-t-il plus personne pour nous trahir à présent. Nous sommes vraiment seuls. Si notre gouvernement cède, il y aura une révolution et j’en serai ».
La situation n’allait pourtant pas s’arranger. Le 7 septembre, en fin d’après-midi, 364 bombardiers allemands, escortés par une flotte de 515 chasseurs, lancèrent une série de raids aériens au-dessus de Londres. Ils furent rejoints par 133 autres appareils au cours de la nuit. Leur objectif était le port de Londres, mais de nombreuses bombes atterrirent dans des quartiers résidentiels, causant la mort de 436 Londoniens et en blessant plus de 1 600 autres. Le Blitz avait commencé. Durant soixante-quinze nuits consécutives, Londres subit des bombardements incessants. D’autres centres militaires et industriels majeurs, comme Birmingham, Bristol, Liverpool et Manchester furent également pris pour cible. Cette vaste campagne de bombardements aériens prit fin au mois de mai de l’année suivante. Elle provoqua la mort de plus de 43 000 civils, dont la moitié dans la capitale, et détruisit ou endommagea plus d’un million de maisons dans la seule région de Londres.
Le palais de Buckingham fut également frappé à plusieurs reprises lors d’une audacieuse opération, menée en plein jour au mois de septembre, et alors que le roi et la reine se trouvaient à l’intérieur. Les bombes causèrent des dégâts considérables sur la chapelle royale et la cour intérieure, inspirant à la reine cette phrase célèbre : « Je suis contente que nous ayons été bombardés. Maintenant, je peux enfin regarder l’East End droit dans les yeux. » Dans une lettre adressée au roi, Logue exprime « toute [sa] reconnaissance au Très-Haut » qui avait permis au roi d’échapper de peu à une « odieuse tentative d’assassinat ». « Je ne croyais pas les Allemands capables d’une telle infamie », ajoute-t-il.
Tommy Lascelles lui répondit quatre jours plus tard pour le remercier de l’intérêt qu’il témoignait au couple royal, lequel lui en savait gré. « Leurs Majestés n’ont en rien souffert de cette expérience, écrivait Lascelles. J’espère que vous arrivez à dormir de temps en temps. »
Logue et le roi échangèrent plusieurs lettres au cours des semaines suivantes. Le roi s’y exprime avec une étonnante franchise, notamment après sa visite à Coventry, le 15 novembre, au lendemain d’une attaque dévastatrice. Plus de 500 tonnes d’explosifs et d’engins incendiaires avaient été larguées sur la ville cette nuit-là, la transformant en un océan de flammes et causant la mort de près de 600 personnes. La cathédrale avait été presque complètement détruite et le roi marcha pendant des heures à travers les décombres. Sa visite eut un effet considérable sur le moral des habitants, même si lui-même était bouleversé par l’ampleur des dégâts. « Que pouvais-je dire à ces pauvres gens qui avaient tout perdu, parfois leur famille […], il n’y avait pas de mot pour cela », confia-t-il à Logue.
Le stress et le malheur cédaient néanmoins parfois la place à des moments plus joyeux. Quelques jours plus tard, alors qu’il répétait son discours pour la cérémonie d’ouverture du Parlement, le roi accueillit Logue le sourire aux lèvres. « Logue, dit-il, j’ai le trac. Je me suis réveillé à 1 heure du matin après avoir rêvé que je me trouvais devant le Parlement, la bouche grande ouverte, incapable d’émettre le moindre son. » Les deux hommes rirent de bon coeur, toutefois cette anecdote rappela à Logue que, en dépit de toutes ces années de travail, le défaut d’élocution du roi lui pesait toujours énormément.
Logue fut encore convié au château de Windsor à la veille de Noël, puis de nouveau le lendemain, pour aider le roi
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