Le discours d’un roi
grands bataillons, répondit-il le lendemain à son général. Vous ne pouvez montrer à vos hommes que le chemin de la victoire ou celui de la mort. »
Logue fut parmi les premiers à apprendre la victoire de Montgomery. L’après-midi du 4 novembre, il se trouvait au palais avec le roi, préparant un discours pour la cérémonie d’ouverture du Parlement fixée au 12, lorsque le téléphone sonna. Le roi avait donné l’ordre qu’on ne le dérange qu’en cas d’urgence. Surpris, il se dirigea vers le téléphone et décrocha.
Il fut immédiatement gagné par une grande excitation. « Oui ! Oui ! Faites-le savoir, faites-le savoir ! s’exclama-t-il. L’ennemi est en pleine retraite. Bonne nouvelle, merci. » Puis il raccrocha. Il se tourna vers Logue avec un sourire. « Vous avez entendu ? » demanda-t-il avant de lui livrer l’information principale. « Eh bien, dit-il, voilà qui est excellent. »
Ce soir-là, le roi écrivit dans son journal : « Enfin une victoire, quelle délivrance 86 . » Quatre jours plus tard, les forces alliées débarquaient au Maroc et en Algérie, deux colonies officiellement sous le contrôle du gouvernement de Vichy. L’opération Torch, visant à ouvrir un deuxième front en Afrique du Nord, avait commencé.
Au milieu de tous ces retournements, le roi dut préparer un nouveau discours de Noël. Logue le fit répéter quelques jours avant la date et le trouva en excellente forme. Le texte subit toutefois quelques remaniements. Logue n’était guère convaincu par certains passages écrits par Churchill, les jugeant peu en accord avec la personnalité du roi. « C’était dans le plus pur style de Churchill et n’importe qui aurait reconnu sa main, s’indigne-t-il dans son journal. Avec le roi, nous avons décidé de nous passer de certains adjectifs et [contributions] du Premier ministre. »
Après deux Noëls enneigés et malgré un léger brouillard, il faisait un temps superbe cette année-là. Logue fut de nouveau convié à se joindre à la famille royale pour les fêtes. Il trouva le sapin de Noël bien plus beau que l’année précédente, une décoration envoyée par Myrtle faisant toute la différence. Lorsque la reine arriva, elle se dirigea vers Logue et lui dit combien elle était heureuse de le revoir. À sa grande surprise, elle lui demanda de bien vouloir lui montrer un petit tour dont il avait fait la démonstration à deux écuyers avant le déjeuner : comment respirer avec un seul poumon. Il s’exécuta de bonne grâce tout en avertissant la reine et les deux princesses de ne pas essayer de l’imiter.
Peu après 14 h 30, Logue suivit le roi dans son bureau pour répéter le discours une dernière fois. À 14 h 55, ils entrèrent dans la salle d’enregistrement. Wood et Logue synchronisèrent leurs montres et, à 14 h 58, la reine vint souhaiter bonne chance à son mari. Quelques secondes plus tard, le voyant rouge clignota trois fois et, après avoir jeté un oeil en direction de Logue, le roi commença.
« C’est à Noël, plus qu’à tout autre période de l’année, que nous sommes conscients de l’ombre de la guerre. Le Noël que nous célébrons aujourd’hui se déroule sans bien des joies familières de notre enfance. Mais si certains rituels sont limités, le message de Noël reste éternel et inchangé. C’est un message de gratitude et d’espoir ; de gratitude envers le Tout-Puissant pour Sa grande pitié, et d’espoir de voir le retour de la paix et de la bonne volonté sur cette terre. » Logue suivit le texte sur quelques paragraphes puis arrêta, ce n’était plus nécessaire désormais.
Dans son discours, le roi parla des énormes sacrifices consentis par les autres pays de l’Empire et par les États-Unis. Il termina avec une histoire racontée autrefois par Abraham Lincoln. C’était l’histoire d’un jeune garçon qui en portait un autre, bien plus petit que lui, jusqu’au sommet d’une colline. « Alors qu’on lui demandait si son fardeau n’était pas trop lourd pour lui, le garçon répondit : ce n’est pas un fardeau, c’est mon frère. »
Au bout de douze minutes exactement, le roi avait terminé et Logue était ravi. « C’est un immense honneur que d’être le premier à féliciter un roi et après avoir attendu quelques secondes que le micro soit coupé, je lui ai pris le bras et ai lancé, débordant d’enthousiasme : “Splendide !” Le roi sourit, et
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