Le discours d’un roi
soviétiques et éventuellement de rallier la Turquie à leur cause. Les Américains, eux, préféraient débarquer sur les côtes occidentales ; cette option fut retenue. La décision fut confirmée lors de la conférence de Québec en août 1943. L’opération fut baptisée Overlord, et, à l’hiver 1943, le choix du lieu du débarquement ne se réduisait plus qu’au Pas-de-Calais ou aux côtes normandes. À la veille de Noël, le général Eisenhower fut nommé commandant suprême de la force expéditionnaire alliée (SCAEF).
Les détails de l’opération furent présentés par Eisenhower et ses généraux le 15 mai dans une classe de l’école St. Paul. Ce lieu inhabituel aurait été choisi en l’honneur du général Montgomery, ancien élève de St. Paul et désormais commandant du 21 e groupe d’armées à la tête de l’intégralité des forces d’invasion terrestres. Les jours suivants, un nombre croissant de soldats se massèrent dans le sud de l’Angleterre. L’invasion était imminente.
La date du débarquement avait d’abord été fixée au 5 juin, mais les conditions météorologiques étaient mauvaises ce week-end-là : il faisait froid, humide, et il soufflait un fort vent d’ouest, ce qui rendait impossible la mise à l’eau des barges de débarquement depuis les grands bâtiments en mer. La présence de nuages à basse altitude risquait aussi de réduire la visibilité des forces aériennes. L’opération devait se dérouler un jour proche de la pleine lune, et celle-ci était attendue pour ce lundi. Le report de l’opération d’un mois supplémentaire et le renvoi des soldats à leurs points d’embarquement auraient été une opération extrêmement difficile à mettre en oeuvre, aussi Eisenhower, averti par son chef météo d’une brève éclaircie le lendemain, prit la décision capitale de débarquer le 6 juin 1944.
Quelques heures plus tard, l’opération Neptune – nom de la première phase d’Overlord – était lancée : peu après minuit, 24 000 soldats des forces britanniques, américaines, canadiennes et de la France libre étaient parachutés au-dessus de la France. À 4 h 30 GMT, les premières divisions d’infanterie et de blindés des forces alliées se déployaient sur près de 80 kilomètres de côte normande. Ce jour-là, plus de 165 000 hommes débarquèrent depuis une flotte de plus de 5 000 navires. Il s’agissait de la plus vaste opération de débarquement de tous les temps.
Ce jour-là, Logue arriva au palais à 18 heures, comme convenu. Il fut reçu par le roi un quart d’heure plus tard. Le discours était prévu pour 21 heures et l’atmosphère était tendue. Il y eut toutefois quelques moments de détente : alors que Logue faisait faire ses exercices au roi, les deux hommes aperçurent par la fenêtre un groupe de cinq personnes, dont un policier, dans le jardin de Buckingham. Ayant vu une femme placer un filet au-dessus de sa tête, Logue pensa qu’ils étaient venus mettre un nid d’abeilles dans une boîte. « Le roi devint très curieux et voulait sortir les aider, nota Logue. Il n’attendait que mon approbation pour ouvrir la fenêtre et sortir sur la pelouse. Mais cela ne valait pas la peine de risquer de se faire piquer par une abeille juste avant son discours, aussi, en dépit de ma curiosité, j’ai fait semblant de me désintéresser de cette affaire. »
Après avoir répété une fois, les deux hommes descendirent dans l’abri antiaérien. Logue était fasciné par cet endroit. « Quel lieu magnifique, écrit-il. J’en ferais bien ma maison, avec toutes sortes de meubles étranges et les dernières innovations en termes de chauffage et d’éclairage. » Wood, de la BBC, était également présent.
Ils répétèrent une dernière fois, sans difficulté. Le discours durait cinq minutes et demie, et ils ne le modifièrent qu’à deux endroits. Seul souci, l’envahissant tic-tac d’une pendule installée dans la chambre du roi et qu’il fallut arrêter de crainte qu’elle ne perturbe l’enregistrement.
Une fois son discours achevé, le roi remonta dans sa chambre et courut à la fenêtre pour voir ce qu’il était advenu du nid d’abeilles. Il ne restait plus personne, juste une petite boîte. Tandis que Logue apportait de légères modifications au texte, la reine fit son entrée et, au grand amusement de Logue, le roi « lui raconta avec une joie enfantine la scène du jardin, allant
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