Le Druidisme
révélation, dans
l’Autre-Monde où il peut aller en tant qu’esprit provisoirement séparé du corps
matériel. En Irlande, on appelle ce genre de rituel, l’ imbas forosnai , et il a des points communs avec la
cérémonie du Taureau, qui permet, après le sacrifice de l’animal, la
manducation de sa chair et un sommeil magique, d’avoir la vision d’un futur
roi.
Il existe aussi le teinm laegda ,
c’est-à-dire l’« l’illumination du chant ». Pour le pratiquer, il
fallait faire un sacrifice, chanter une incantation, toucher d’une baguette un
être ou une chose à propos duquel la question était posée, et surtout mettre son pouce dans la bouche , probablement au
contact d’une « dent de sagesse ». C’est ce que fait Finn Mac Cumail,
d’après les différents récits du cycle de Leinster. Après avoir mangé le
« Saumon de Connaissance » du poète (donc druide) Finneces, il obtient
la Connaissance, à savoir : « quand il mettait son pouce dans sa
bouche et chantait l’illumination du chant, alors quoi que ce fût dont il était
question, tout lui était révélé » [283] . Mais
Finn connaît aussi l’usage de l’ imbas forosnai ,
et le dichetal do chenmaid . Ce dernier
procédé, qui est une « incantation du bout des doigts », et qui ne
comportait pas de sacrifice, ni de référence aux dieux du paganisme, fut le
seul toléré par saint Patrick, et se maintint donc en usage chez les chrétiens
irlandais. Les renseignements manquent sur ce sujet, mais nous savons que le
procédé « était acquis par grande connaissance et application » [284] .
Néanmoins, c’est l’ imbas forosnai que pratique
toujours Finn mac Cumail, et c’est même grâce à cela qu’il est averti de sa fin
prochaine : « Il mit son pouce sous sa « dent de science »
et chanta un teinm laegda . Il lui fut alors
montré que la fin de son temps et de sa vie était venue… » [285] . On
voit que, de toute façon, les techniques de divination étaient plus ou moins
dépendantes les unes des autres.
Bien entendu, les éléments qui permettent la divination sont
toujours obscurs, et demandent, pour être compris et exprimés, une
connaissance : d’où l’intervention des druides et des devins, voire d’une
personne capable, par un don individuel, de procéder à l’interprétation. Le
texte irlandais du Bailé an Scâl (Extase
prophétique du Champion) nous présente le roi Conn aux cent Batailles
découvrant une pierre sur un tertre. Lorsqu’il met le pied sur la pierre,
celle-ci crie. Il demande à son druide « ce que la pierre criait, quel
était son nom, d’où elle venait et où elle irait, et qui l’avait apportée à
Tara ». Le druide demande un délai de 53 jours pour répondre. Alors, au
moment voulu, il révèle à Conn l’histoire de la Pierre de Fâl et ajoute :
« Le nombre de cris que la pierre a poussés, c’est le nombre de rois qui
seront de ta race, mais ce n’est pas moi qui te les nommerai ». Parfois,
les éléments de la prédiction sont encore plus étranges, voire contradictoires.
Trois druides prédisent au roi Diarmaid qu’il mourra : « De meurtre,
dit le premier druide, et c’est une chemise faite de la laine d’un seul mouton
que tu porteras la nuit de ta mort… Par noyade, dit le second druide, et c’est
dans une bière brassée avec un seul grain que tu te noieras cette nuit-là… Par
brûlure, dit le troisième, et c’est du lard d’un cochon qui n’est pas né que tu
auras sur ton plat. » Le roi a beau dire que tout cela est
invraisemblable, tout se déroule comme prévu : il est frappé mortellement,
noyé et brûlé vif par les Ulates [286] .
Cela n’est pas sans rappeler certaines prédictions de Merlin
l’Enchanteur, notamment celles que relate Geoffroy de Monmouth dans sa Vita Merlini . Il prédit en effet ainsi la mort d’un
enfant : « L’enfant mourra en tombant d’un rocher ; il mourra
dans un arbre ; il mourra dans un fleuve. » Tout le monde prend
Merlin pour un fou. Mais l’enfant, poursuivant un cerf, tombe sur un rocher
dans un précipice, rebondit dans une rivière où il se noie, accroché cependant
au pied à une branche d’arbre [287] .
Cette anecdote provient d’ailleurs d’une ancienne tradition sur un personnage
du nom de Lailoken, qui semble avoir été le modèle de Merlin, sorte de vagabond
à demi-fou qui vécut vers les années 650 chez les Bretons du nord, dans le pays
de Strathclyde.
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