Le Druidisme
christianisme en premier lieu, qui insiste tant sur la puissance de
la prière collective [352] .
Ainsi, les pratiques rituelles organisées par les druides, si elles sont
accomplies sincèrement et de toute la force des énergies individuelles
rassemblées, influent sur le devenir de Dieu, puisque ce devenir divin est
celui de l’univers. Pour un Celte, croyant aux principes druidiques, le grand
Dieu innommable se réalise à chaque instant du temps relatif, grâce à l’action individuelle
et collective. Mais rien, aucun être ou aucune chose, n’est en dehors de ce
devenir. La preuve de cette croyance se trouve dans les nombreuses descriptions
qui montrent l’être passant par tous les éléments, toutes les formes, tous les
états [353] . Le
fondement de la pensée druidique est l’ harmonie
universelle des êtres et des choses dans une perpétuelle réalisation.
Bien entendu, tout « n’est pas au mieux dans le
meilleur des mondes possible ». Des forces « obscures » entrent
en jeu et mettent le monde en péril. Dans la religion des anciens Germains,
c’étaient les Géants, toujours prêts à envahir Asgard, le séjour des divinités
garantes de l’équilibre universel : d’où la nécessité du Valhalla, ou
plutôt de la Valhöll , rempart composé de
guerriers destinés à interdire le passage des Géants. Dans la pensée des
anciens Iraniens, c’était Arhiman, le principe des ténèbres contre lequel
luttait Ahura-Mazda, le principe de la Lumière. Cette conception iranienne a
influencé de façon irréversible la tradition judéo-chrétienne, faisant
d’Arhiman le modèle du Satan négateur de Dieu. Mais le sens symbolique de
l’opposition entre Ahura-Mazda et Arhiman n’a plus été compris qu’au premier
degré. De simple image rendant compte de la dynamique vitale sujet-objet, source
de toute existence dans le domaine des relativités, cette opposition est
devenue dualisme, manichéisme, et aboutissant, en dehors même du catharisme, à
une théologie chrétienne vidée de toute réalité ontologique, à une morale
laïque du Bien et du Mal, incompréhensible parce que privée de ses racines.
Cette opposition, dans la pensée druidique, n’est pas ressentie au premier
degré, chaque chose, chaque être, ayant un double aspect et résolvant ses
contradictions internes dans une prise de conscience de la totalité.
Mais le problème de l’imperfection du monde subsiste. Les
forces dites obscures sont la projection fantasmatique de l’irrésolution de
l’être. Placé en face des réalités supérieures, l’être humain ne sait pas
toujours comment agir, ou réagir. Il ne participe pas pleinement à l’ agir universel, d’où les carences, les déviations,
les impasses, le Mal métaphysique – et non pas moral. Si tous les êtres
savaient, c’est-à-dire s’ils pouvaient utiliser leur pensée au maximum,
l’équilibre de l’univers ne serait jamais menacé. Mais, les choses étant ce
qu’elles sont, la pensée humaine n’est pas encore capable d’assumer pleinement
sa réalité. La religion druidique lui montre le chemin à parcourir pour
atteindre ce degré à partir duquel les fausses oppositions apparaissent pour ce
qu’elles sont, c’est-à-dire une querelle dialectique. D’où la nécessité
d’affirmer la toute-puissance de l’Esprit, la nécessité du rituel qui, en
termes symboliques, engage l’être humain à toujours aller au-delà de l’horizon.
En définitive, le Réel est une barrière illusoire que, par paresse ou
ignorance, l’être humain imagine en face de lui.
Mais il n’y a pas de barrière. L’horizon n’existe pas.
4) L’AUTRE-MONDE
Cette démarche spirituelle qui consiste à dépasser le réel apparent
pour découvrir ce qu’il y a derrière, attitude très nettement
« surréaliste », ne peut se faire que si l’on objective ce qu’il y a
derrière. Toute action humaine, motivée par une cause, en l’occurrence la vie,
suppose un but. Et même si l’on n’aboutit pas à un but fixé, on parvient
cependant à un résultat, à une conséquence, celle-ci pouvant être éloignée ou
proche du but projeté. C’est une règle syntaxique, mais c’est surtout une
réalité philosophique.
Pour les Celtes, le but projeté, objectivé, c’est ce qu’on appelle
l’Autre-Monde. Il ne ressemble guère à l’Au-delà chrétien, ni à ces zones
vagues de la non-conscience que les Grecs et les Latins ont imaginées à travers
leur
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