Le Druidisme
écrivains, dont les témoignages ne sont jamais très
convaincants, comme le Grec Hippolyte ( Philosophumena ,
I, 25), font des druides des héritiers de Pythagore grâce à « Zalmoxis,
esclave de Pythagore, Thrace de naissance, qui vint dans ces contrées après la
mort de Pythagore et leur fournit l’occasion d’étudier son système
philosophique ». Notons en passant que l’existence historique de Pythagore
est plus que douteuse, comme l’est celle d’Homère : ce que l’on connaît,
c’est un système philosophique et une religion astrale placés sous le nom de
Pythagore, c’est tout. Et pour qui connaît bien la doctrine pythagoricienne, il
est impossible, en dehors de la croyance en l’immortalité de l’âme, d’y trouver
une communauté de pensée. C’est ce qu’affirment deux auteurs antiques généralement
bien informés, Valère Maxime (« Ils sont convaincus que les âmes des
hommes sont immortelles ; je dirais qu’ils sont stupides si les idées de
ces barbares vêtus de braies n’étaient pas celles auxquelles a cru Pythagore
vêtu du pallium », II, 6, 60) et Diodore de Sicile (« La doctrine
pythagoricienne prévaut parmi eux, enseignant que les âmes des hommes sont
immortelles », V, 28). Apparemment, le seul point de concordance était
cette croyance en l’immortalité qui choquait les Grecs et les Romains
matérialistes.
Le druidisme n’est pas originaire de la Méditerranée. Si
cela avait été le cas, les Grecs et les Latins n’eussent point manqué de le
dire. Or, d’une façon générale, ils se montrent stupéfaits de constater la
grandeur et l’élévation de pensée d’une doctrine qui n’appartient pas à leur
monde et qu’ils classent, faute de mieux, sous l’étiquette de
« barbare ». Ce terme désignant essentiellement les habitants
d’Europe non encore rangés sous la domination romaine, non touchés par la
civilisation grecque, on est bien obligé de reconnaître un certain caractère
« nordique » à cette population, ou plutôt cet ensemble de
populations, que craignent les Grecs et les Romains, mais qui, malgré tout, excitent
leur imagination. Est-ce la réminiscence de l’époque où les Doriens
indo-européens venus du nord rencontrèrent les Achéens de la péninsule hellénique
et les Crétois de la mer Égée ? Les traditions concernant le culte de
Delphes font toujours état d’un Apollon hyperboréen : Cicéron va même
jusqu’à discerner quatre Apollon différents, dont le troisième « passa des
régions hyperboréennes à Delphes » ( De natura
Deorum , III, 23). De toute évidence, il s’agit d’une allusion au récit mythologique
concernant l’arrivée d’Apollon à Delphes, de son combat contre le serpent
Pythôn et de sa victoire. Traduit en termes historiques, ce récit concerne la
brusque arrivée des Doriens, venus du berceau commun des Indo-Européens non encore
différenciés en Europe centrale (après leur migration d’Asie centrale) :
ces Doriens possédaient l’usage du fer, étaient de redoutables guerriers, et
colonisèrent les Achéens de la civilisation du Bronze minoéen, pasteurs et
agriculteurs. Mais, en termes religieux et socio-culturels, il s’agit de la
disparition d’un culte tellurique représenté par Pythôn, image de la Terre
divinisée, et de son remplacement par un culte solaire. Et tout culte solaire
provient du nord, de l’Hyperborée, là où le soleil joue un rôle ressenti comme
primordial pour la survie des hommes.
Cet aspect nordique du culte d’Apollon était une évidence
pour les anciens Grecs eux-mêmes. Diodore de Sicile, d’après les relations du
navigateur phocéen Pythéas, établit même un rapport étroit entre le culte
delphique et l’île de Bretagne. C’est en effet en Bretagne que serait née
Latone-Lêto, la mère d’Apollon, « ce qui explique pourquoi les insulaires
vénèrent particulièrement Apollon. Ils sont tous pour ainsi dire prêtres de ce
dieu… On voit aussi dans cette île une vaste enceinte consacrée à Apollon,
ainsi qu’un temple magnifique, de forme ronde, et de nombreuses offrandes…
Apollon passe pour descendre dans cette île tous les dix-neuf ans »
(Diodore, II, 47). On remarquera d’abord que Pythéas, Grec de Marseille, ne
s’étonne absolument pas de découvrir dans l’île de Bretagne un culte apollinien
semblable au culte grec. Ensuite, si l’on peut se poser des questions au sujet
de la vaste enceinte consacrée
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