Le Druidisme
.
Certes, il y a loin entre ces descriptions enthousiastes – où l’esprit
« patriotique » irlandais se fait jour – et les représentations
plastiques du Mercure gallo-romain, le « Dieu à la Bourse », qui fait
bien pâle à côté, avec son aspect de petit bourgeois enrichi. Les Gaulois
romanisés n’ont plus vu de Lug que son caractère de protecteur du commerce
attaché à la troisième fonction. C’est peu compatible non plus avec l’affirmation
de César qui le place avant tous les autres dieux.
Car le Lugu gaulois a dû effectivement être l’objet d’un
culte très important. Son nom, nous l’avons dit, est attaché à la ville de
Lyon. Or Lyon était une sorte de ville sacrée chez les Gaulois indépendants.
Une légende rapportée par le pseudo-Plutarque raconte que la ville fut fondée à
un emplacement désigné par une troupe de corbeaux. Et le corbeau est l’animal
symbolique de Lug, ce qui peut paraître paradoxal : le nom de Lug réfère indubitablement
à une racine qui signifie « lumière » et « blancheur »
(grec leukos , blanc, latin lux , lumière) et le corbeau, par sa couleur noire,
semble davantage exprimer la nuit ou l’obscurité. Mais c’est un fait :
d’une façon ou d’une autre, Lug est relié au corbeau dans la tradition comme
dans la représentation plastique, et le mythe de fondation de Lyon y fait clairement
allusion. En tout cas, le symbolisme sacré de Lyon se rattache au culte de Lug.
On sait que les grandes fêtes celtiques avaient lieu quatre fois par an, quarante jours après un solstice ou un équinoxe , le
premier de novembre, de février, de mai et d’août. La fête du 1 er août
en Irlande se nommait Lugnasad , c’est-à-dire
« les noces de Lug », et la tradition précise que c’est Lug lui-même
qui avait institué cette fête, consistant en une grande assemblée dans la
plaine de Meath, en l’honneur de sa mère adoptive Taïltiu (un ancien Talantio ), sorte de divinité tellurique. Or, quand
les Romains eurent organisé la Gaule, ou plutôt les Gaules [77] ,
ils firent de Lyon la capitale politique, intellectuelle et religieuse de ce
grand ensemble. Auguste y institua des fêtes le premier jour d’août ( Augustus ) qui était son mois, fêtes évidemment
vouées au culte de Rome et de l’Empereur, et c’est à Lyon que se tinrent des
assemblées gauloises qu’on nomme Concilia Galliarum .
Cela n’était pas un hasard. De la même façon, comment s’étonner de constater
que Lyon a été la première ville gauloise à être touchée par le
christianisme ? Et n’oublions pas que dans la nomenclature de l’Église
Catholique Romaine, l’archevêque métropolitain de Lyon porte toujours le titre
officiel de « Primat des Gaules ».
Et Lug, tant bien que mal assimilé à Mercure, a perduré dans
la dévotion des Gallo-Romains. L’archéologie a mis au jour plus de 450
inscriptions dédiées à Mercure, et plus de 200 représentations, statues ou
bas-reliefs. C’est beaucoup plus que pour les autres dieux, en Gaule tout au
moins. Il porte souvent des surnoms, ceux-ci étant les plus divers, indiquant
la fonction plus précise, ou le lieu de culte. Ainsi le Mercurius Arvernus dont l’épithète ne pose aucun
problème, ou encore le Mercurius Iovantucarus qui est littéralement le « Protecteur de la Jeunesse ». Et lors de la
christianisation, de nombreux sanctuaires voués à Mercure sont devenus des
Monts saint Michel, ce qui n’est pas sans rapport avec les fonctions lumineuses
et solaires de Lug transférées sur l’archange lumineux. Parfois, ce Mercure est
représenté selon l’image classique romaine, avec le pétase et le caducée. Parfois,
il est accompagné d’un animal qui prend plus d’importance que dans la tradition
romaine. Parfois apparaît l’image spécifiquement gallo-romaine du serpent à
tête de bélier. Parfois encore, au lieu d’être un jeune homme ou un adulte
athlétique, Mercure est un vieillard barbu vêtu d’un vêtement de laine à la
gauloise et tenant un bâton (le bâton du voyageur ?). Un bas-relief de
Strasbourg le représente avec un marteau, ce qui le ferait assimiler à une
divinité différente, de type martien, ou si l’on prend la référence irlandaise,
du type d’Ogmé ou du Dagda. Enfin, certaines représentations associent Mercure
avec le culte phallique, et d’autres le montrent en compagnie d’une déesse,
notamment dans la Gaule de l’est et du sud-est
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