Le Druidisme
les maladies. Ce n’est
donc pas l’aspect solaire de cette divinité qui est mis en évidence, mais son
aspect guérisseur. Il faut dire que la figure d’Apollon n’appartient pas à la
mythologie romaine, où il a été introduit d’abord par les Étrusques, qui en
faisaient une divinité inquiétante liée à la peste et aux épidémies, ensuite
par les Grecs pour lesquels prévalait le caractère solaire du personnage. Mais
Apollon n’est pas non plus d’origine grecque, malgré le succès de son culte à
Delphes et à Délos. C’est une divinité hyperboréenne ,
probablement d’origine scythique, infiltrée en Grèce au moment de la poussée
des Doriens. Le nom d’Apollon réfère incontestablement à une racine
indo-européenne d’où découle le nom de la pomme, malum en latin, apple en anglais, apfel en allemand, aval en breton et en gallois. On retrouve au-delà la fameuse île d’Avallon, l’ Insula Pomorum , de la Vita
Merlini de Geoffroy de Monmouth, l’ Émain
Ablach , Terre des Fées, de la tradition irlandaise, l’ Insula Malifera des traditions antiques, localisée
dans la Baltique et où la pomme et l’ambre sont confondus symboliquement [82] , et la
célèbre fable des Pommes d’Or du Jardin des Hespérides. Après tout, dans l’île
d’Avallon, Morgane et ses neuf sœurs connaissent les charmes magiques qui
peuvent guérir les blessures mortelles, comme celles du roi Arthur. Et tant à
Émain Ablach qu’à Avallon, nul n’est affligé de maladie, de mort ou de
vieillesse : c’est assez significatif pour qu’on puisse prétendre à la
présence, même non nommée, d’Apollon guérisseur, ou de toute autre divinité
équivalente ou analogue.
Précisément, cet Apollon guérisseur existe dans la tradition
irlandaise : il apparaît dans l’état-major des Tuatha Dé Danann sous le
nom de Diancecht. Et lorsque Lug lui demande quelles sont ses capacités, il
répond : « Tout homme qui sera blessé, à moins qu’on ne lui ait coupé
la tête, ou à moins qu’on ait entamé la membrane de sa cervelle ou sa moelle
épinière, il sera complètement guéri par moi pour le combat du lendemain matin » [83] . On
comprend d’ailleurs pourquoi les Celtes coupaient la tête de leurs ennemis,
même apparemment morts : ils n’avaient aucune envie de les voir remis sur
pieds par l’habileté des médecins-sorciers. D’ailleurs, Diancecht est celui qui
a mis un bras d’argent à Nuada, « avec en lui le mouvement de chaque
bras ». Mais le fils de Diancecht, Miach, va encore plus loin :
« Il alla au bras coupé de Nuada. Il dit « joint sur joint » et
« nerf sur nerf », et il le guérit en trois fois neuf jours » [84] .
Jaloux de son fils, Diancecht le frappe d’un coup d’épée qui lui coupe la peau
jusqu’à la chair de la tête. Le garçon se guérit par son art. Une deuxième
fois, Diancecht frappe jusqu’à la membrane du cerveau. Le garçon guérit encore.
Une troisième fois, Diancecht frappe, mais cette fois atteint la cervelle.
« Miach mourut. Diancecht dit que le médecin lui-même ne l’aurait pas
guéri de ce coup » [85] .
La suite de cette banale histoire de jalousie est assez curieuse.
Miach est enterré, et « des plantes au nombre de trois cent soixante-cinq
poussèrent sur sa tombe, identiques au nombre de ses jointures et de ses
nerfs » [86] .
Alors, une fille de Diancecht, Airmed, cueille les plantes et les range selon
leurs qualités. Mais Diancecht « vint à elle et mêla les plantes, si bien
qu’on ne connaît pas leurs effets propres, à moins que le Saint-Esprit ne l’ait
révélé par la suite » [87] . La
réflexion du transcripteur chrétien ajoute de la force au fait : nul, sauf
Diancecht et Airmed, ne connaît la médecine universelle, celle des plantes, et
cette connaissance ne peut être qu’un don divin. C’est affirmer du même coup le
caractère divin de la médecine. Cet épisode n’est d’ailleurs pas sans faire
penser à la mythologie germano-scandinave, à propos du sang de Kvasir et de la
Tête de Mimir : c’est à la suite d’un rituel sanglant, fût-il symbolique,
et du démembrement d’un personnage mythique, que s’offre la possibilité de
connaissance des grands secrets de la vie et de la mort. Le sacrifice de Jésus
a la même valeur. Et le culte de l’Eucharistie, comme du Précieux Sang
(conforté par la légende christianisée du Graal), remonte, à travers
différentes historicisations,
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