Le Druidisme
où cette déesse porte le nom de Rosmerta , « la pourvoyeuse »,
caractéristique de la troisième fonction. Il faut noter enfin qu’une des
scholies de la Pharsale de Lucain assimile
Mercure à Teutatès, divinité qui fait partie de la triade énoncée par Lucain
lui-même, mais dont on n’est pas sûr qu’il s’agisse d’un dieu personnalisé [78] . Et il
y a, à Reims, un Mercure à trois têtes, ce qui nous ramène à une des
caractéristiques de la tradition celtique, l’importance du nombre
« trois » et du triplement.
Le moins qu’on puisse dire, cependant, c’est que Lug, tel
qu’il est décrit dans l’épopée irlandaise, est fort éloigné du Mercure tel que
l’imaginaient les Romains. Il a peut-être plus d’affinité avec l’Hermès grec,
ne serait-ce que parce qu’il protège les routes et les voyageurs, et surtout parce
qu’il est le dépositaire des secrets des dieux en tant que Multiple-Artisan.
Lug aussi porte des surnoms. Samildanach en est un. Mais il est aussi Lonnbeimenech (celui qui frappe furieusement), Lamfada (à la longue main), ou encore Grianainech , terme dans lequel on reconnaît le mot
irlandais signifiant « soleil » ou « chaleur ». Cela, lié
au sens du mot Lug (« lumineux »), donne un caractère solaire au
personnage, et il n’est pas étonnant que son culte ait été remplacé par celui
de saint Michel. Mais il ne semble pas qu’il soit à comparer avec l’Apollon
gréco-romain, encore que ses attributs soient le corbeau (comme Apollon) et
surtout la lance, apportée de Gorias, une des villes des îles du nord du monde,
par les Tuatha Dé Danann : « aucune bataille n’était gagnée contre
elle ou celui qui l’avait à la main » [79] . Cette
lance peut très bien symboliser les rayons du soleil qui apportent la chaleur,
les maladies, la mort, mais aussi la guérison, car tout objet divin est
ambivalent [80] .
En réalité, le seul dieu indo-européen avec lequel Lug soutient
la comparaison est le germanique Odin-Wotan. Il a même des traits communs avec
lui. Comme Odin, Lug est supérieur à tous les dieux, bien qu’il ne soit pas non
plus le dieu primordial. Comme Odin, Lug est chef suprême de l’armée des dieux
contre les géants. Comme Odin, Lug est possesseur d’une lance merveilleuse.
Comme Odin, Lug fait la guerre non seulement de façon héroïque, mais aussi de
façon magique (thème varunien). Comme Odin,
Lug a une affinité avec le corbeau. Comme Odin, maître des runes et protecteur
des poètes, Lug est maître poète et musicien. Enfin, si Odin est borgne, Lug
est le petit-fils d’un borgne à l’œil pernicieux, et pour opérer sa magie, dans
le combat, il ferme un œil. Cela fait beaucoup de ressemblances. Seul l’aspect
très varunien d’Odin n’apparaît pas vraiment, à une exception près, chez Lug.
Ce rôle est tenu davantage par le Dagda, ou par Ogmé dans la mythologie
irlandaise, et par Gwyddyon, fils de Dôn, dans la mythologie galloise.
Celui-ci, héros de la quatrième branche du Mabinogi ,
a des rapports plus nets avec Odin-Wotan. Il est expert en combats magiques, en
batailles végétales [81] . Il
est tortueux, hypocrite et faux-jureur comme Odin. Il transforme son aspect
comme Odin, et connaît également tous les secrets du monde ainsi que les
cachettes des trésors. Son nom réfère à la même racine indiquant à la fois la
connaissance, la fureur divine et le bois. Et Gwyddion est hors classe :
il est druide, guerrier et multiple artisan, et son fils incestueux Lleu Llaw
Gyffes, le « Lion à la Main sûre », a des rapports étymologiques avec
Lug à la Longue Main et à « la lance qui ne manque jamais son coup ».
Si l’on veut résumer la personnalité de Lug, en tant que correspondant
du Mercure gaulois signalé par César, il suffit de dire qu’il est absolument
hors classe. Il n’est pas le dieu primordial. Il n’est pas le dieu des
commencements. Il n’est même pas le roi des dieux. Et pourtant il est au-dessus
de tous les autres, incarnant à lui tout seul l’ensemble des fonctions divines
qui, dans l’optique du druidisme, sont aussi, fondamentalement, les fonctions
que l’humanité doit accomplir pour réaliser l’unité du monde d’en-haut et du
monde d’en-bas, unité sans laquelle le Chaos domine, en l’occurrence les
Fomoré.
Le médecin et le Soleil
Après Mercure, César signale, sans doute en raison de
l’importance de son culte, le dieu Apollon qui guérit
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