Le Druidisme
surnom est intéressant dans la mesure où il corrobore
exactement une légende mythologique brittonique dont nous avons conservé le
schéma dans un passage du récit gallois de Kulhwch et
Olwen . Il s’agit de Mabon (forme évoluée de Maponos), fils de Modron
(forme évoluée de Matrona , « maternelle »,
nom de la rivière Marne), qui est emprisonné dans un endroit mystérieux, sous
la ville de Kaer Lloyw (Gloucester) dont le nom signifie « Ville de la
Lumière ». Depuis sa disparition, sa mère se lamente et le monde n’est
plus ce qu’il était. Il est délivré par les compagnons d’Arthur qui, pour ce
faire, passent par une rivière « à cheval sur un saumon » [100] . Il
est visible que Mabon, dont le nom signifie «filial »,
représente le jeune soleil prisonnier de la nuit. On retrouve ce Mabon, sous le
nom de Mabuz, dans la version archaïque de la légende de Lancelot du Lac [101] :
il est le fils de la Dame du Lac, et il est prisonnier dans une étrange
cité ; la Dame du Lac enlève le jeune Lancelot, l’élève et l’éduque, puis
l’envoie dans le monde avec pour mission de délivrer Mabuz, car c’est à ce prix
qu’il connaîtra son nom. Dans la tradition irlandaise, ce personnage de Mabon
se reconnaît en la personne d’Oengus, dit le Mac Oc, littéralement le
« Jeune Fils », enfant adultérin du dieu Dagda, et qui joue un rôle
important dans plusieurs récits mythologiques [102] .
Mais cette épithète de Maponos accolée au nom de l’Apollon gaulois le fait
déborder de la fonction médicale pure qu’il paraît seulement assumer chez César
et dans le mythe irlandais (bien que Diancecht soit après tout le grand-père de
Lug). Il n’est pas seulement médecin et protecteur des sources de santé, il est
en relation avec la jeunesse, et avec le soleil, et c’est comme tel qu’il
semble avoir été vénéré chez les Bretons insulaires, notamment chez les
Brigantes et à Carlisle [103] .
Mais l’aspect solaire est encore plus net avec Grannus et
Belenus. Grannus a donné son nom à Grand, dans les Vosges, et aussi à
Aix-la-Chapelle qui est un ancien Aquae Granni (d’où l’allemand Aachen ) et qui était un des
hauts lieux de son culte. Les inscriptions concernant Apollon Grannus sont
assez nombreuses, et elles ont un rapport avec les eaux médicinales. Mais il
est possible que le nom de Grannus provienne d’un mot qui a également produit
l’irlandais grian , « soleil ». Quant
à Belenus, ce surnom qu’Apollon porte chez les Noriques, en Aquilée, en Italie
du nord, dans le sud de la Gaule et dans quelques endroits, comme à Beaune
(Côte-d’Or) qui est un ancien Belenate , c’est
un terme indubitablement solaire. Il faut en effet raccrocher le nom de Belenos
au nom de la fête du 1 er mai en Irlande, Beltaine (« Feux de Bel »), et lui donner
comme signification le « Brillant ». La célèbre Fontaine de Barenton,
dans la forêt de Paimpont-Brocéliande, portait autrefois le nom de Bélenton, où
l’on peut reconnaître un Bel-Nemeton ,
c’est-à-dire une « clairière sacrée de Bel ». C’est probablement
cette même figure divine qui perdure dans la mythologie et les généalogies –
fantaisistes – du Pays de Galles, sous le nom de Béli le Grand, et qu’a reprise
Geoffroy de Monmouth dans son Historia Regum Britanniae sous la forme de Belinus. Certaines généalogies en font même l’époux d’une
certaine Anna, assimilée à la grand-mère de Jésus, et qui pourrait bien être la
Dana irlandaise (et la Dôn galloise). Il apparaît probablement, dans la Chanson d’Apremont , sous les traits du sarrasin
Balan, et, indubitablement cette fois, en tant que Balin, le chevalier aux deux
épées, auteur du « Coup Douloureux », dans les romans arthuriens qui
découlent de Robert de Boron [104] . Et
que dire de ces lieux appelés Bel-Air ou Bel-Orient, ou encore Peyre-belle
(lieu particulièrement sinistre et sans rapport avec une « pierre
belle ») et Aiguebelle ? Le « Signal de Bel-Orient », sur
la montagne de Bel-Air, dans les Côtes-du-Nord, paraît davantage un lieu de
culte (avec une chapelle qui a dû remplacer autre chose) qu’une appellation due
à la situation géographique. Quant au Mont-Saint-Michel du Péril de la Mer, il
se nommait autrefois Tombelaine, appellation qui s’est déplacée sur l’îlot
voisin : or Tum-Belen n’est pas autre
chose que le « Tertre de Belenos ». Le remplacement du
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