Le Druidisme
Belisama , dont le nom, un superlatif
bien celtique, signifie « très brillante », et qui a donné son nom à
la ville de Bellême (Orne). À Vaison-la-Romaine, dans le pays des Gaulois Voconces,
on a découvert une inscription en caractères grecs à Belisami .
À Saint-Lizier (Ariège), une autre inscription en latin, « Minervae
Belisamae sacrum », fait de Belisama le surnom de Minerve. Mais à Bath, en
Angleterre, on vénérait une déesse nommée Sul, que Solin assimile également à
Minerve, en précisant qu’une flamme perpétuelle brûlait dans son temple, ce qui
n’est pas sans rappeler le feu qu’on entretenait à Kildare (Irlande) en
l’honneur de la déesse Brigit, plus tard, dans l’abbaye chrétienne, en souvenir
de sainte Brigitte. De toute évidence, Sul est une déesse-soleil. Alors
pourquoi Minerve ? On a proposé d’y voir un rapport avec l’éclat du feu,
Minerve, fille du dieu du ciel, personnifiant l’éclair [108] .
Ce n’est pas très convaincant. Il vaut peut-être mieux envisager le problème
sous l’angle de la Minerve celtique, qui est incontestablement Brigit, au
triple visage. Or, nous le verrons, cette triple Brigit, qui apparaît sous
différents noms dans la mythologie irlandaise, est à la fois poétesse (donc
druide), guerrière et maîtresse des techniques : elle recouvre donc les
trois fonctions à elle seule, ce qui peut facilement expliquer sa composante
solaire. Et cette composante solaire serait liée à la classe des guerriers.
C’est une intrusion dans la tradition germano-scandinave qui
peut permettre une compréhension de cette notion complexe, étant bien entendu
qu’il ne s’agit pas de l’expliquer par une origine germanique, ni d’insister
sur l’influence irlandaise incontestable qui s’est exercée sur les skaldes
d’Islande, transmetteurs de cette tradition. Le postulat est tout simplement
que les Germano-scandinaves, comme les Celtes, ont hérité de données non
indo-européennes indigènes et nordiques remontant au moins à l’Âge du Bronze.
La légende de Siegfried-Sigurd en est le support. En effet, quand le héros,
après avoir tué le dragon Fafnir et son initiateur Regin, donc en possession de
pouvoirs merveilleux, délivre la valkyrie endormie, le mythe devient très
précis, même si les trois ou quatre versions de la légende divergent sur des
détails. Cette valkyrie, revêtue d’une cuirasse guerrière, est au milieu d’une
forteresse entourée d’un rempart de flammes. Le héros franchit les flammes et
délivre – ou conquiert – la valkyrie, que celle-ci se nomme Brunhild ou Sirgdryfa.
Et par la suite, le destin de Siegfried-Sigurd sera lié indéniablement et
inexorablement à celui de la valkyrie, comme Tristan, dans la légende celtique,
est lié à Yseult, après l’épreuve du philtre. Le symbolisme est clair : la
forteresse entourée de flammes est le soleil, et la valkyrie, qui se trouve au
centre, est la déesse-soleil. Siegfried-Sigurd, qu’on a tant voulu faire passer
pour un héros solaire, est en réalité un homme-lune qui reçoit sa lumière du soleil, c’est-à-dire sa force et même sa vie, tout
comme Tristan, qui ne peut vivre plus d’un mois – le temps d’une lunaison –
sans retrouver Yseult [109] . Or
la valkyrie a expliqué au héros qu’elle était, par sa fonction de valkyrie,
autrefois vêtue d’un plumage de cygne. Elle est donc une femme-cygne. Et les
femmes-cygnes sont innombrables dans la tradition celtique, particulièrement
irlandaise. C’est le propre des femmes du sidh ,
c’est-à-dire des déesses des Tuatha Dé Danann, de se transformer en cygnes [110] . Et
le cygne, animal nordique, hyperboréen, est un symbole solaire, lié à Apollon.
Et Yseult la Blonde, équivalent celtique de Brunhild-Sirgdryfa, a un caractère
éminemment solaire. Et le prototype d’Yseult, dans la mythologie irlandaise,
est une certaine Grainné, dont le nom provient incontestablement de grian , le « soleil » [111] .
Dans la tradition celtique, le rôle solaire n’est pas tenu par un homme, mais
par une femme. La lune est masculine dans les langues celtiques (et dans les
langues germaniques), et c’est le soleil qui est féminin. Et le calendrier
celtique est lunaire. D’ailleurs les Gaulois « mesurent la durée, non pas
d’après le nombre de jours, mais d’après celui des nuits » (César, VI,
18).
En somme, la valkyrie, femme-guerrière, est aussi
femme-soleil. Cela explique
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