Le Druidisme
centres
théoriques autour desquels se sont établies des communautés dont le ciment est
le concept même du sacré. À ce compte, le moindre lann breton, comme le moindre nemeton celtique, est
à égalité avec le sanctuaire de Tara, mediolanum de l’Irlande, omphallos du monde, où se
trouvait la Pierre de Fâl qui criait quand un roi (nécessairement le « roi
du monde ») ou un futur roi s’asseyait sur elle, et où se tenaient les
grandes assemblées saisonnières des Gaëls.
Tout cela réfère à l’idée du désert .
Le Christianisme romain a faussé notre compréhension du phénomène. Ce
christianisme s’est développé dans le contexte de l’Empire romain, c’est-à-dire
dans une civilisation urbaine, au départ hellénistique, donc sous influence de
la polis grecque. Il y a eu tout de suite
coupure avec la nature. Et les premiers mystiques du christianisme l’ont bien
compris, eux qui, à commencer par saint Paul, sont allés faire retraite dans le désert . Or, le désert, au sens étymologique,
c’est « ce qui est abandonné », tout ce qui n’est pas soumis à
l’activité humaine. Actuellement encore, dans le vocabulaire paysan, le désert
désigne tout endroit abandonné et dans lequel la végétation non contrôlée prend
le dessus. Mais cela n’implique nullement l’idée de sécheresse et de désolation,
de manque d’eau et de végétation. Se retirer dans le désert, c’est retourner
vers la nature. C’est ce qu’ont fait les premiers ermites chrétiens. Mais comme
les plus célèbres se trouvaient dans des pays secs où les régions arides
dominent, la confusion s’est emparée des esprits : pour pratiquer
l’érémitisme, il faut aller dans les solitudes de la Haute-Égypte, au Sahara ou
en Libye. C’est oublier qu’il y a des déserts aux portes des grandes villes
européennes. C’est ce qu’avaient compris les moines du Moyen Âge en établissant
leurs monastères dans des endroits retirés, mais parfois proches des villes.
Ils ne faisaient que suivre l’exemple des ermites irlandais ou bretons qui, eux
aussi, suivaient l’exemple des druides.
Cette conception du sanctuaire qui peut être partout et
nulle part, mais qui est toujours le centre du monde et qui est toujours en
contact avec une nature brute, est l’une des spécificités du druidisme. Elle
témoigne d’une prise de conscience que l’être humain est en relation constante
avec le cosmos, qu’il n’est jamais seul, même dans le désert , parce qu’au contraire il y rencontre le grand Tout qui est la divinité, quelle qu’elle soit, et
quelque nom qu’on lui donne. Cela montre également l’imbécillité de certains
commentaires sur le « naturisme primaire » de la religion des
druides, assimilée à un ensemble de rites propitiatoires pour conjurer des
forces naturelles mystérieuses. Cette conception du sanctuaire prouve au
contraire une réflexion métaphysique et théologique de grande envergure.
2) LE GUI ET LE RITUEL VÉGÉTAL
Aucun texte liturgique ne nous est parvenu. Il n’y a là rien
d’étonnant, puisque les Celtes n’écrivaient pas leurs textes sacrés. Y en
aurait-il eu, les Chrétiens les auraient fait disparaître. Nous pouvons
seulement, à travers divers témoignages, reconstituer certains éléments du
culte druidique.
Le rituel du gui nous est connu grâce à Pline l’Ancien.
« Les druides n’ont rien de plus sacré que le gui et l’arbre qui le porte,
supposant toujours que cet arbre est un chêne » ( Hist. Nat . XVI, 249). On remarquera que Pline dit
expressément qu’ils supposent l’arbre porteur du gui comme un chêne. Ce n’était
donc pas forcément un chêne, car le gui ne se trouve que sur certaines espèces
limitées de chêne. Cette cueillette s’effectuait « le sixième jour de la
lune… parce que la lune a déjà une force considérable sans être encore au
milieu de sa course ». Il n’est dit nulle part qu’il s’agissait du
solstice d’hiver, comme on voudrait nous le faire croire, par comparaison avec
la coutume du gui à Noël, ou au Jour de l’An (qui n’est Jour de l’An que depuis
peu de temps). Le texte de Pline mentionne seulement le sixième jour de la
lune, mais ne précise pas de quelle époque. Il n’y en a sûrement pas, sinon
Pline l’aurait signalée. Pline ne nous dit d’ailleurs nulle part que les
druides coupaient le gui avec ses boules , ce
qui sous-tendrait du gui d’hiver. C’est un abus
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