Le Druidisme
forme de rituel : il est en effet courant, dans les
contes populaires du moins, de jeter quelqu’un dans un four à pain, et pas
forcément un malfaiteur. Mais, cela dit, on peut sans aucun doute rapprocher
toutes ces histoires qui paraissent légendaires d’un texte fort bien connu et
dont le sérieux n’échappera à personne, un passage de la première Épître aux
Corinthiens, de saint Paul. L’apôtre dit en effet qu’il faut bâtir avec du
bois, de la paille, du foin, de l’or, de l’argent et des pierres précieuses,
mais que « l’ouvrage de chacun sera mis en lumière. Le Jour (du Seigneur)
le fera connaître, car c’est par le feu qu’il se manifeste, et le feu,
précisément, éprouvera la qualité de l’œuvre individuelle. Celui-là dont la
construction restera debout recevra son salaire, celui dont l’ouvrage brûlera
en subira la perte : lui-même cependant sera sauvé, mais comme on l’est à
travers le feu » (III, 12-15). N’est-ce pas là une définition symbolique
du Purgatoire , dont le concept s’est répandu
dans la doctrine chrétienne à partir des spéculations du christianisme
irlandais ?
Nous sommes en tout cas devant un rituel qui paraît bien
avoir été spécifique chez les Celtes. La deuxième branche du Mabinogi explique ainsi l’origine du chaudron de
Résurrection de Brân : un jour, on voit sortir d’un lac un grand homme
roux, avec sa femme, et portant un chaudron sur son dos. C’est évidemment un
être de l’Autre-Monde. Ils se fixent dans le pays, c’est-à-dire en Irlande,
mais se font haïr à cause de leurs exactions. Les habitants se décident à s’en
débarrasser, ce qui n’est pas facile. « Dans cet embarras, mes vassaux
décidèrent de construire une maison en fer. Quand elle fut prête, ils firent venir
tout ce qu’il y avait en Irlande de forgerons possédant tenailles et marteaux,
et firent accumuler tout autour du charbon jusqu’au sommet de la maison. Ils passèrent
en abondance nourriture et boisson à la femme, à l’homme et à ses enfants.
Quand on les sut ivres, on commença à mettre le feu au charbon autour de la
maison et à faire jouer les soufflets jusqu’à ce que tout fût chauffé à blanc.
Eux tinrent conseil au milieu du sol de la chambre. L’homme, lui, y resta
jusqu’à ce que la paroi de fer fût blanche. La chaleur devenant intolérable, il
donna un coup d’épaule à la paroi et sortit en la jetant dehors, suivi de sa
femme. Personne d’autre qu’eux deux n’échappa » [249] .
On remarque que l’homme roux – qui ressemble fort au Dagda – aurait pu sortir à
n’importe quel moment, puisqu’il lui suffit de donner un coup d’épaule à la
porte pour l’ouvrir. Mais il attend que la chaleur soit intolérable. Il y a
certainement une bonne raison à cela. Et, par la suite, l’homme roux et sa
femme s’étant installés aux pays de Brân, « ils se multiplient et
s’élèvent en tout lieu : partout où ils sont, ils se fortifient en hommes
et armes les meilleurs qu’on ait vus » [250] . De
toute évidence, ils ont accompli là un rite de régénération qui décuple la
puissance.
Nous connaissons une autre version du thème, irlandaise
celle-là, dans le fantastique récit de L’Ivresse des
Ulates . Après des disputes sans fin, des beuveries interminables et des
errances à travers l’Irlande, les Ulates, complètement ivres, se sont perdus et
atteignent la forteresse d’Ailill et Medbh, roi et reine de Connaught, leurs
ennemis jurés. Ailill et Medbh demandent conseil à leurs druides et à un
vieillard. On leur répond ceci : « Leur venue a été prédite depuis
longtemps et on y a pensé. Voici ce qu’il faut faire : une maison de fer
entre deux maisons en bois, avec une maison souterraine au-dessous, une plaque
de fer très dur où seront entassés des fagots et des charbons de sorte que
cette maison souterraine en soit pleine. On a prédit que les nobles d’Ulster
seraient tous rassemblés une nuit dans la maison de fer » [251] .
Ailill et Medbh suivent le conseil. On construit la maison, on entasse le
combustible. On fait venir les Ulates dans la maison et on leur distribue
nourriture et boisson. Mais on referme ensuite la porte sur eux et on fixe la
maison à sept piliers de pierre grâce à sept chaînes de fer. Alors, « on
amena trois fois cinquante forgerons qui activèrent le feu avec leurs
soufflets. On fit trois cercles autour de la maison, on alluma le feu
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