Le Druidisme
non
seulement au-dessous, mais encore au-dessus de la maison, de telle sorte que la
chaleur du feu pénétra la maison » [252] . Les
Ulates se sentent pris au piège et accusent Cûchulainn d’être le responsable
des événements. Cûchulainn, vexé, saute en l’air, démolit le toit et délivre
ses compagnons. Le roi Ailill, plein de remords, les fait aller dans une maison
de chêne et leur fournit de la bière et de la nourriture.
Les deux versions concordent sur l’essentiel, mais le récit
irlandais place le foyer dans la cave, tandis que le récit gallois parle d’un
foyer autour et au-dessus de la maison-cave. Il est vrai que le récit irlandais
signale qu’on met le feu également au-dessus de la maison, ce qui finit par
revenir au même. Ce qui est tout à fait remarquable, c’est que les
« sacrifiés » sont placés à l’intérieur du brasier. Il en était de même pour le héros du conte breton, et cela ne
contredit pas la description du bûcher druidique qui a sept fenêtres, pas plus
que l’usage signalé par Claude Gaignebet de la « cabane du lépreux ».
Et chose également très intéressante : on fournit aux
« sacrifiés » nourriture et boisson, et on les enivre. Le rite de
régénération ne fait aucun doute. Et ce sont les souvenirs de ce rite qu’on
retrouve à la fois dans le Feu Pascal, les feux du Carnaval, la fête des
Brandons, le passage des animaux entre deux feux au 1 er mai, et
dans le saut des danseurs au-dessus du feu ou des braises, au moment de la
Saint-Jean. Il s’agit non seulement de se purifier par le feu, mais aussi de
régénérer l’énergie qui est engourdie par le sommeil de l’hiver, autrement dit
d’ assurer un dépassement de soi-même .
Il est évident que les sacrifices signalés par César, par
Strabon et le scholiaste de Lucain, appartiennent à la même catégorie. Il est
certain que les mannequins ou les cages que les témoins grecs et latins ont
vues embrasées se trouvaient au-dessus de caves, dans lesquelles les
« sacrifiés » se tenaient, probablement munis de nourriture et de
boisson, pour y célébrer en quelque sorte un festin d’immortalité ou de
renaissance. Et pourquoi, parmi le combustible employé, n’y aurait-il pas eu du
Chanvre dont les fumées absorbées par les « sacrifiés » leur
permettait de « décrocher » et d’accomplir leur voyage de régénération
dans l’Autre-Monde ? On notera au passage que le fameux Pantagruelion , cette herbe magique dont Rabelais
fait l’éloge dans le Tiers-Livre , n’est autre
que du chanvre. Et aussi que le Pantagruel de la tradition médiévale est un
démon jeteur de sel, c’est-à-dire un brûleur ,
donc un maître du Feu.
Les rituels du Feu paraissent innombrables. Et ils ont perduré
à travers des siècles de christianisme, soit dans la liturgie chrétienne
elle-même, soit dans les coutumes et croyances populaires. Il serait trop long
de tout énumérer et de tout classer [253] . Les
anciennes cérémonies du 1 er mai et les Feux de la Saint-Jean
sont suffisamment décrits et répertoriés pour qu’il soit utile d’y revenir.
Mais il faut signaler une survivance très particulière, celle de la roue
enflammée. « Autrefois dans le pays d’Agen, suivant un antique usage, les
païens, pour célébrer une cérémonie de leur culte, s’assemblaient, en Gaule,
dans un nemet (temple). À un moment donné, les
portes du sanctuaire s’ouvraient comme par l’effet d’une puissance invisible,
et aux yeux de ce peuple abusé apparaissait une roue entourée de flammes, qui,
précipitée sur la pente, roulait jusqu’à la rivière, au pied du coteau. Ramenée
au temple par un détour, et lancée à nouveau, elle recommençait à vomir de
vaines flammes » [254] . Il
s’agit d’un texte hagiographique sur la vie de saint Vincent d’Agen. Mais une
cérémonie identique est décrite dans un poème anglais du XVI e siècle. « Les gens prennent une vieille
roue pourrie, hors d’usage. Ils l’entourent de paille et d’étoupe qui la
cachent entièrement ; puis ils la portent au sommet de quelque montagne.
Quand la nuit devient obscure, ils y mettent le feu et la font rouler avec
violence. C’est un spectacle étrange et monstrueux. On dirait que le soleil est
tombé du ciel » [255] . On
ne peut que penser aux figurations du dieu à la roue chez les Gaulois, et aux
nombreuses monnaies gauloises où la roue est mise en évidence. Et on ne peut
pas
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