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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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ma tête vers l’arrière.
    —    Ce que nous désirons savoir de toi, par conséquent, c’est l’emplacement de l’autre part de la Vérité.
    Il m’enfonça une fois de plus son genou dans le ventre et le contenu de mon estomac me remonta dans la bouche. Je vomis un mélange amer de bile et de sang qui me laissa faible comme un enfançon.
    —    J’ignore de quoi tu parles, répétai-je dans un râle.
    —    Vraiment ? Raynal m’assure pourtant que la tradition de l’Ordre fait mention d’autres documents cachés ailleurs. Et comme tu es Magister, m’est avis que tu en sais plus que quiconque. Et puis, ne va pas croire que nous ignorons tes errances dans Toulouse. À qui adressais-tu donc le message que tu as enfoui sur la place ? As-tu reçu une réponse ?
    —    Va. foutre ta mère.
    Montfort me lâcha et recula. Ma tête retomba sur ma poitrine, trop lourde pour que je puisse la soutenir.
    —    Bien. Puisqu’il en est ainsi, je ne perdrai pas de temps à te torturer. Il y a des moyens plus efficaces de te faire parler.
    Il adressa un signe de la tête à Raynal, qui sortit aussitôt. Puis il pivota sur lui-même et me descendit en plein visage un coup violent accompagné d’un grondement rageur. Je perdis conscience.
    Quand je revins à moi, j’essayai d’ouvrir les yeux, mais ils étaient si enflés et collés de sang que je n’y arrivai pas. Je sentis qu’on me jetait de l’eau au visage. Les croûtes qui scellaient mes paupières se liquéfièrent et je pus voir à nouveau. Si j’avais su quelle scène se déploierait devant moi, j’aurais plutôt demandé qu’on m’arrache les yeux.
    Pernelle était étendue sur la table. On l’avait installée sur le dos et attachée par les poignets et les chevilles. Sa bouche était bourrée de chiffons sales. Son visage était un peu amoché, certes, mais dans l’ensemble elle ne semblait pas avoir été trop maltraitée.
    J’aurais voulu en tirer du réconfort, mais cela m’était impossible. Toute la scène me criait que le pire était à venir.
    La pauvresse était nue comme au jour de sa naissance. Sa robe noire avait toujours caché son corps et jamais je n’avais réalisé à quel point elle était maigre. Sa poitrine était creuse et presque dénuée de seins. Ses côtes saillaient comme si elle n’avait pas mangé à sa faim depuis des années, ce qui était sans doute le cas pour tous les Parfaits qui méprisaient leur propre chair tout en soignant celle d’autrui. Pour la première fois, je voyais sa jambe infirme, plus petite que l’autre, dont le tibia était resté déformé après que son père l’eut brisé et que la vieille Ylaire avait rebouté de son mieux. Ne fût-ce la toison sombre qui couvrait son entrecuisse, Pernelle avait le corps d’une enfant.
    La pudeur qui aurait dû me faire détourner le regard était remplacée par une fascination horrifiée. Car près d’elle se tenait Raynal, qui lui caressait l’épaule en une parodie d’affection. Je compris alors, sans qu’on ait besoin de me l’expliquer, que c’était lui qui avait profité de la bataille pour s’emparer de Pernelle et la livrer à Montfort. Pour m’appâter. Et ils avaient magnifiquement réussi. Maintenant, le sort qu’on entendait lui faire subir était clair. En la martyrisant, ils espéraient me briser.
    Elle en avait pleinement conscience, elle aussi. Depuis ce jour fatidique de son enfance, elle savait lire sur le visage des hommes ce besoin de détruire en singeant les gestes de l’amour. Elle jetait vers moi un regard alternant entre la terreur et la résignation. Sans un mot, elle me faisait aussi savoir qu’elle acceptait son sort, qu’elle ne désirait que le retour au Dieu de Lumière auquel elle s’était consacrée. Surtout, elle m’intimait de ne trahir la Vérité à aucun prix, pas même pour la sauver. Une larme coula au coin de son œil et, malgré son bâillon, sa bouche se déforma en une parodie de sourire dans lequel je lus un adieu presque serein.
    — Pernelle. marmonnai-je, le cœur brisé et la voix enrouée par les sanglots.
    Jamais, de toute ma triste existence, je n’avais été aussi déchiré. En quittant Toulouse, j’avais choisi de faire passer
    Pernelle avant la Vérité. Je m’imaginais naïvement la retrouver, la libérer tel un preux chevalier pour retourner ensuite à ma tâche, la conscience un peu plus légère. Mais, une fois encore, Dieu me démontrait toute l’étendue

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