Le Fardeau de Lucifer
le garde.
On tira le loquet et la porte s’ouvrit. Un garde apparut de l’autre côté. Croyant avoir affaire à Renat, il n’avait pas jugé bon de dégainer son arme. En m’apercevant, il écarquilla les yeux de surprise et porta la main à son fourreau. J’enfouis aussitôt le stylet dans son ventre, poignardant vers le haut, comme me l’avait enseigné Bertrand de Montbard, pour que la pointe de la longue lame transperce le cœur. Il s’écroula sur le sol dans le plus complet silence. Au prix d’un élancement atroce dans les côtes, je le tirai à l’intérieur et refermai la porte. Je le retournai sur le dos pour reprendre le stylet, que je rendis à Cécile. Puis je m’emparai de son épée, la passai dans ma ceinture et me relevai.
— Prête ? demandai-je.
Elle hocha la tête. J’entrouvris à nouveau la porte et passai la tête dans l’embrasure.
— La voie est libre, chuchotai-je.
Nous sortîmes dans un long couloir sombre dont les deux côtés étaient parsemés de portes semblables à celle de notre cachot. Je regardai devant, puis derrière, et avisai un escalier à l’extrémité du couloir.
— Nous sommes dans les caves, dit Cécile. Il faut monter.
Nous gravîmes les marches jusqu’au sommet et nous retrouvâmes face à une lourde porte bardée de fer. Je l’entrouvris et glissai ma tête avec prudence dans l’entrebâillement. Je vis un autre passage orné d’écus, d’épées et de lances disposés entre des fenêtres en ogive percées dans un épais mur de maçonnerie. Dehors, la nuit tombait et je réalisai que j’avais passé presque une journée entière dans le cachot du comte.
J’allais sortir lorsque deux hommes en armes tournèrent le coin à une extrémité du couloir et s’y engagèrent d’un pas ferme. Leur discussion était animée et ils gesticulaient fort. Heureusement, ils ne regardaient pas dans notre direction. Je refermai prestement la porte et attendis que leurs pas s’éloignent. Soulagé, je laissai échapper un long soupir qui me fit grimacer de douleur. Il ne s’écoula que quelques secondes avant que j’entende d’autres hommes passer dans la direction inverse.
— On dirait un chemin de commerce, grommelai-je. Nous ne pourrons jamais sortir de ce côté.
Cécile s’approcha et m’écarta.
— Que fais-tu ?
— Je veux voir où nous sommes exactement.
Elle entrouvrit à son tour et jeta un coup d’œil avant de refermer.
— Ce couloir mène à la salle des gardes, murmura-t-elle. Assurément, les hommes du comte savent que nous sommes ses prisonniers. Ses officiers, tout au moins. Nous ne ferons pas dix pas sans être découverts.
— Tu connais cet endroit, toi ? demandai-je, étonné.
— Mon père et le vieux bouc n’ont pas toujours été en aussi mauvais termes. Petite, Roger Bernard et moi l’accompagnions parfois ici et, comme leurs palabres duraient longtemps, nous passions le temps à explorer le château. Suis-moi. Je sais par où sortir.
Elle se retourna et, ses deux mains blessées blotties contre sa poitrine, s’engagea vers le bas de l’escalier d’un pas un peu chancelant. Interdit, je lui emboîtai le pas, la torche en main, en m’assurant de pouvoir la rattraper si elle perdait pied.
— Tu penses sortir par la cave ? demandai-je, incrédule.
— J’ai une idée, oui.
Nous revînmes dans le couloir des cellules, que Cécile longea. Une fois au fond, sans la moindre hésitation, elle prit à droite. Nous continuâmes ainsi pendant une bonne minute, puis elle tourna à gauche à l’intersection suivante. Elle finit par s’arrêter devant le mur d’un cul-de-sac. Elle me désigna une dalle de pierre carrée de deux coudées 2 de côté, enchâssée à la hauteur de ma poitrine.
— Tu peux la déloger ? demanda-t-elle.
J’approchai la torche de la dalle et examinai le mortier qui la retenait. L’humidité de la cave l’avait rendu friable. Je lui pris le stylet et je frappai à quelques reprises au centre de la dalle. Le son creux qui en monta me confirma qu’elle n’était pas très épaisse.
— Je crois, oui. Mais pourquoi ?
— C’est la sortie.
Je la regardai, perplexe.
— Allez, fais vite. Tôt ou tard, on viendra relever le garde que tu as occis et on sonnera l’alarme.
Je me mis au travail, délogeant aisément le mortier avec le stylet. Après quelques minutes, la dalle bougea
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