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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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distinctement. Je glissai la lame dessous et la tirai vers moi. Lorsqu’elle bascula et me tomba dans les bras, je crus mourir de douleur en supportant son poids. Serrant les mâchoires, je parvins à la déposer sur le sol sans l’échapper. Aussitôt, une épouvantable puanteur nous enveloppa. Je me redressai en me tenant le côté.
    —    Bon Dieu de merde, grognai-je, qu’est-ce qu’il y a dans ce mur ?
    —    De la merde, justement.
    Je regardai Cécile, interloqué.
    —    Tous les châtelets de Toulouse sont équipés de latrines qui se déversent dans des conduites aménagées dans les murs, expliqua-t-elle. Leur contenu est rincé à l’eau de temps à autre et se vide au pied de la muraille, à l’extérieur.
    —    Et tu suggères que nous rampions dans la fiente ? m’exclamai-je, horrifié.
    —    À moins de courir notre chance en haut, c’est la voie la plus sûre.
    —    Espérons qu’elle a été rincée récemment, maugréai-je.
    Elle me tendit les bras.
    —    Aide-moi à monter.
    Je la pris par la taille et la soulevai, tentant sans succès de rester indifférent aux craquements de mes côtes. Cécile passa la tête dans l’ouverture et y disparut.
    —    Tu viens ? fit sa voix qui me parvint avec un écho. Nous sommes à la hauteur des caves. La sortie ne peut pas être loin.
    —    Oui, oui, grommelai-je.
    Dégoûté, je me hissai dans l’ouverture. La conduite était juste assez large pour que je puisse avancer à quatre pattes, mes épaules frottant les parois. D’une main, je tendis la torche, dont la lumière éclairait les pieds de Cécile. L’autre s’enfonça dans une substance humide et poisseuse que j’essayai d’ignorer de mon mieux. Nous rampâmes pendant une bonne minute. J’avais l’estomac dans la gorge et je croyais vomir de répulsion lorsqu’un petit cri sec me fit frémir.
    —    Cécile ? appelai-je, anxieux.
    Seul le silence me répondit. Inquiet, je brandis la torche à bout de bras, mais elle n’éclaira que le noir.
    —    Cécile ! hurlai-je, en jetant toute prudence aux orties, certain qu’elle était tombée dans une oubliette.
    Indifférent au danger et à mes blessures, je me précipitai vers l’avant aussi vite que je le pouvais, les excréments volant dans toutes les directions, me maculant le corps et le visage. Soudain, les immondices n’avaient plus d’importance. Je rampais si vite que je fus pris par surprise lorsque le sol se déroba sous moi. Je chutai dans le vide et m’écrasai lourdement sur le sol.
    Quelque part près de moi, la torche brûlait toujours, car je pouvais voir mes mains dans le noir. Quelque chose avait amorti ma chute, mais mes côtes me faisaient sauvagement souffrir et toute mon attention était consacrée à ne pas perdre conscience.
    —    Ouille. fit une petite voix sous moi.
    Je tâtai fiévreusement au hasard et mes doigts touchèrent quelque chose de familier. Je reconnus le doux visage de Cécile.
    —    Je te serais reconnaissante de ne pas me badigeonner la face de crotte, gronda-t-elle.
    Malgré la douleur, le ridicule de la situation était tel que je ne pus m’empêcher de m’esclaffer. Je compris que nous avions simplement atteint la fin de la conduite d’égout et que nous étions tombés à l’extérieur - sans doute dans la merde de tous les habitants du châtelet. J’avais atterri sur la pauvre Cécile. Je roulai sur le côté, incapable d’arrêter de rire.
    —    Quand tu auras fini de pouffer, je suggère que nous partions d’ici. On va nous remarquer, maugréa-t-elle.
    Elle se mit debout et grimaça en regardant ses bandages de fortune.
    —    Comment vont tes mains ? m’enquis-je.
    —    Elles font mal.
    Nul doute que les excréments s’étaient infiltrés dans ses plaies. Je me souvins de la panse de Montbard, dont les tripes percées l’avaient mené aux portes de la mort, et de la façon dont Pernelle avait lutté pour le sauver. Je devais remettre Cécile entre les mains de mon amie avant que ses blessures ne se corrompent.
    —    Où sommes-nous ? m’enquis-je.
    Elle inspecta brièvement les alentours.
    —    Derrière le châtelet du comte de Toulouse. Viens, c’est par ici.
    Je notai que la pluie avait enfin cessé et le déplorai amèrement. Au moins, elle nous aurait un peu lavés. Je repérai la torche, qui avait atterri à quelque distance de nous, et qui brûlait encore. Je la ramassai et

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