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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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l’esprit. Un guerrier qui a la tête ailleurs est un mort ou un estropié en puissance, même quand le combat est fictif. Heureusement, mon épée se révéla à la hauteur de mes attentes et je ne pensai bientôt plus qu’à elle. Mon sentiment d’impuissance était profond et engendrait une colère et une hargne qui me rendaient encore plus redoutable. Involontairement, je fournis plusieurs patients à Pernelle, mais heureusement, seulement pour des blessures mineures. Mon amie finit par me rappeler à l’ordre, me laissant entendre qu’elle ne tenait pas à être occupée à ce point et me recommandant de modérer mes ardeurs.
    L’espace de quelques jours, j’eus la naïveté de croire que le pire était passé. Mais ni Bertrand de Montbard ni moi n’étions au bout de nos peines.
    3
    Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Marc 12,31.
    4
    Un grain vaut 0,05 gramme.
    5
    Souviens-toi de ton créateur pendant les jours de ta jeunesse, avant que les jours mauvais arrivent et que les années s’approchent où tu diras : Je n’y prends point de plaisir. Ecclésiaste 12,1.

Chapitre 4 Succession
    Un matin, à l’aube, avant de me rendre à l’entraînement, je trouvai mon maître parfaitement éveillé. Je ne saurais décrire la joie et le soulagement qui m’envahirent, moi qui n’avais pourtant pas droit au bonheur. Je me fis violence pour ne pas m’élancer vers lui et le prendre dans mes bras, sachant à quel point cela lui serait inconfortable. Bertrand de Montbard n’était pas homme à se complaire dans les effusions.
    Il était adossé contre quelques coussins et mangeait avec appétit une bouillie fumante de blé et de crème. Lorsqu’il me vit, il força un sourire qui ne me trompa pas. Il posa le bol sur la table près de lui.
    —    Approche, petit, dit-il.
    J’attrapai un tabouret au passage et m’assis près de lui. Malgré moi, mon regard se porta sur le moignon bien enveloppé de pansements propres. J’essayai de ne pas penser au fait que c’était tout ce qui restait de la jambe gauche sur laquelle il avait presque dansé en m’enseignant l’art de la guerre.
    —    Maître. Je.
    —    Ne commence pas à pleurnicher, dit-il d’une voix dont la puissance me rassura beaucoup. Ducunt volentem fata, nolentem trahuntt 1 . Ce qui est fait est fait. Je suis un vieil homme. J’ai passé ma vie le nez fourré dans des situations où j’aurais pu mourir cent fois. Pourtant, j’ai survécu et tout ce qu’il me manque aujourd’hui, c’est une jambe. Au fond, c’est bien peu de chose. J’ai beaucoup plus de chance que plusieurs de mes frères d’armes, que les vers ont rongés depuis longtemps. Alors ne crains rien ; j’accepte mon sort. La seule chose qui m’attriste, c’est de savoir que je ne combattrai plus jamais. Ça me manquera davantage que je ne saurais l’exprimer.
    Son regard s’égara dans le vague. J’allais protester qu’il porterait encore les armes, que nous trouverions un moyen, mais il m’arrêta d’un geste de la main.
    —    Je sais à quoi tu penses. Je pourrai toujours tenir une épée, c’est vrai, et je trouverai sans doute une façon de ne pas être tout à fait inutile, ne serait-ce que pour ne pas perdre la raison, mais rien ne sera plus comme avant. Au combat, je serai un poids pour les autres. C’est pourquoi j’aimerais que tu me fasses une promesse.
    —    Tout ce que vous voudrez, maître.
    Il mit le bol sur la table, posa sa main sur la mienne et la serra très fort.
    —    Promets-moi que tu feras honneur à mon enseignement, Gondemar, dit-il avec intensité. Si tu n’y es pas arrivé avant, rappelle-toi désormais ton vieux maître et ses conseils. Chaque fois que tu frappes, memento mei, discipulus 2 . Car c’est à peu près tout ce qui reste de moi.
    Memento. Le nom de mon arme prenait soudain encore plus de sens. Je la tirai de son fourreau et la lui tendis. Il la prit et la soupesa.
    —    C’est une vraie merveille, dit-il, admiratif. Où l’as-tu trouvée ?
    —    Je l’ai forgée moi-même, l’informai-je fièrement.
    Je fermai la main sur la lame et serrai jusqu’à ce que ma peau s’ouvre un peu sur le tranchant. Un mince filet de sang coula lentement le long de l’acier.
    —    Je vous ferai honneur de mon mieux, Bertrand de Montbard. Je le jure solennellement sur cette arme.
    Montbard sourit tristement.
    —    Tu rends très heureux un vieil homme estropié, jouvenceau.
    Il

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