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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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reboutonnait sa chemise. On frappa à nouveau, avec plus d’insistance et je m’empressai vers l’établi où je prétendis examiner la réparation de mon fourreau. La cordonnière ouvrit et se trouva face à face avec Peirina, droite et austère.
    —    Bonne dame, bredouilla-t-elle, les joues encore roses de plaisir, s’écartant pour la laisser entrer. Que puis-je pour vous ?
    —    Je passais voir si ton père avait eu le temps de fabriquer les bourses que nous avons commandées. Nous avons séché nos herbes et leur poudre va se flétrir si nous ne la conservons pas dans du cuir frais.
    —    Je les ai faites moi-même, dit Salvina en se dirigeant vers une tablette au mur pour saisir les objets mentionnés. Les voici. Je les ai bien graissées pour qu’elles ne se dessèchent pas.
    La Parfaite remarqua ma présence et me salua d’un hochement de la tête. Elle examina méticuleusement les bourses munies de solides lacets.
    —    Elles sont parfaites. Combien te dois-je ?
    —    Rien du tout. Pour les Parfaits, mon père travaille gratuitement, vous le savez bien.
    —    Cher Séverin. Je prie Dieu pour qu’il le mène à bonne fin. Et vous aussi, mes enfants, dit-elle en nous adressant un sourire sévère.
    Elle laissa son regard errer brièvement sur la chemise que Salvina, dans son empressement, avait boutonnée en jalouse.
    —    N’oubliez pas que la chair est une prison qu’il vaut mieux ne pas perpétuer.
    Elle sortit et referma la porte. Salvina et moi nous regardâmes, conscients que notre fornication n’avait pas échappé à la sagacité de la Parfaite.
    —    Tu la connais bien ? m’enquis-je, voyant une occasion de faire avancer mon enquête tout en chassant le malaise qui s’était installé.
    —    Depuis toujours. Dame Peirina m’a guérie d’une terrible fluxion de poitrine quand j’étais encore toute petite. Mon père croyait me perdre. Dès lors, il n’a jamais plus chargé un sou aux Parfaits pour son travail.
    —    Elle est à Montségur depuis longtemps, alors ?
    —    Pour autant que je sache, elle y a passé toute sa vie et n’en est jamais sortie.
    —    Et Daufina ?
    —    Elle est arrivée voilà une dizaine d’années, je crois.
    Une des Parfaites était ici depuis toujours, l’autre était arrivée bien avant le début de la croisade. Les deux étaient donc au-dessus de mes soupçons. Je me sentis soulagé. Au moins une chose en ce monde restait pure. Je hochai la tête, satisfait, et me dirigeai vers la porte avec mon fourreau dans la main. Salvina me barra le chemin et colla tout son corps contre le mien. Elle me mordit doucement la lèvre et ricana.
    —    Tu peux revenir quand tu veux, beau seigneur, minauda-t-elle.
    —    Fais attention à ce que tu souhaites, Salvina, rétorquai-je. Ma fréquentation n’apporte jamais rien de bon.
    Je sortis. Je savais que, malgré mon propre avertissement, je reviendrais.
    Même si j’avais rayé, au moins provisoirement, le nom de Raynal de la liste des suspects, je n’étais guère plus avancé. Le voleur se trouvait au sein de l’Ordre des Neuf. Cela était clair. Mais qui était-il ? Comment l’identifier sans l’alerter ? S’il prenait peur, la Vérité serait perdue. Si je ne faisais rien, elle le serait tout autant. J’étais fermement coincé entre l’arbre et l’écorce, et la posture m’était inconfortable.
    Au sein de l’Ordre des Neuf, la méfiance était solidement installée. Son efficacité même reposait sur la confiance et la solidarité de ses membres. Si les choses ne changeaient pas, la méfiance et la suspicion le détruiraient. Le corps d’élite constitué par Hugues de Payns ne serait bientôt qu’une coquille vide. Le voleur n’avait qu’à être patient et la Vérité se retrouverait bientôt à la merci du pape et de sa curie, sans personne pour la défendre. Un siècle d’efforts seraient réduits à néant. Un siècle. C’est tout ce qu’il aurait fallu pour mettre en péril ce qui avait été caché pendant plus d’un millénaire. Je ne pouvais admettre que mon âme ait été damnée sans avoir une réelle chance de prouver qu’elle méritait le salut. Je devais chercher, au risque de tout perdre. Si je retournais en enfer, au moins ce ne serait pas faute d’avoir agi.
    Considérant les Parfaites de l’Ordre comme innocentées d’emblée, je me concentrai sur les templiers. Pour ce faire, je m’assurai le

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