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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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voix calme de sire Ravier.
    Le Magister me regarda fixement, son visage figé en un masque d’autorité tranquille. Puis, il en fit autant pour Raynal.
    —    On ne se tue pas entre frères, poursuivit-il.
    —    À moins que l’un des deux ne soit estropié et inutile, comme un vieux cheval boiteux qui ne peut plus tirer son fardeau, ne puis-je m’empêcher de cracher avec hargne.
    —    Nous avons déjà réglé cette question et il n’est pas de mon intention d’y revenir. Ce qui est fait est fait. Range ton arme, rétorqua-t-il avec une tolérance empreinte d’impatience.
    À regret, je remis Memento au fourreau et fis un pas vers l’arrière pour permettre à Raynal de se relever, sans toutefois lui tendre la main pour l’assister. Le coquin pouvait bien se débrouiller seul. Il se remit debout en vacillant un peu et me toisa avec amertume, le visage ensanglanté. Ravier nous saisit tous deux par le bras et nous attira à l’écart.
    —    À la lumière des événements récents, je conçois que vous éprouviez de l’animosité l’un pour l’autre, déclara-t-il à mi-voix pour ne pas être entendu, mais le moment est mal choisi pour vous quereller. Consacrez plutôt votre temps à retrouver les documents. Serrez-vous la main comme des frères et mettez cet incident derrière vous.
    Raynal et moi nous dévisageâmes longuement, le feu dans les yeux. Aucun de nous ne fit le moindre mouvement de réconciliation.
    —    Maintenant, insista Ravier, dont la patience atteignait ses limites.
    Je me fis violence et tendis la main. Raynal la prit à contrecœur. La poignée de main fut énergique, chacun se faisant un point d’honneur de serrer plus fort que l’autre jusqu’à ce que nos jointures en blanchissent. Puis, après nous être dévisagés encore un moment, nous nous détournâmes et partîmes dans des directions opposées.
    J’étais troublé. Le fait que Raynal semblait aussi convaincu de ma culpabilité que moi de la sienne semblait l’exonérer, du moins dans l’immédiat. Mais il était hors de question que je lui donne l’absolution sans confession.
    Le soir venu, je m’en fus rejoindre mon maître. J’entrai sans frapper et crus avoir la berlue lorsque je le vis debout sur deux jambes. Malgré l’effort évident que cela exigeait de lui, Montbard, pâle et amaigri, arborait un air victorieux.

    —    Par quelle sorcellerie. ? bredouillai-je.
    —    Le seul magicien est ce bon gros Ugolin, s’esclaffa-t-il. On ne le croirait pas à le voir, mais ce fripon a une cervelle, et fort ingénieuse au demeurant. Au lieu d’une béquille, il m’a fabriqué une jambe !
    Je devais avoir l’air stupide, car il s’empressa de m’expliquer.
    —    Le bougre a assemblé trois bouts de bois et attaché le tout à ma taille. Tiens, vois toi-même !
    Montbard défit sa ceinture, puis le cordon qui retenait ses braies, qui tombèrent sur ses chevilles. J’admirai l’ingéniosité du dispositif conçu par Ugolin. Le moignon était encastré dans une pièce de bois évidée dans laquelle il s’emboîtait parfaitement. Le Minervois en avait rembourré le fond de linges épais pour la rendre aussi confortable que possible. La pièce se prolongeait jusqu’à la hauteur du genou, où son bout arrondi était solidement joint par d’épaisses sangles de cuir à une autre partie qui figurait le tibia et qui ne pouvait plier que vers l’arrière. Cette dernière partie était à son tour attachée à une pièce horizontale qui tenait lieu de pied, sur lequel Montbard pouvait faire reposer sa considérable masse. Tout l’appareil était relié par deux sangles, une à l’avant et l’autre à l’arrière, à une ceinture de cuir attachée à la taille de mon maître, de sorte qu’il était impossible que le moignon en sorte. Je n’en revenais pas. En quelques heures, Ugolin avait façonné un simulacre de jambe, complète, avec un genou et une cheville mobiles.
    —    Me voilà sur deux pattes, moi qui croyais devoir me traîner comme un estropié jusqu’à la fin de mes jours, se réjouit Montbard, en se reculottant. Bien entendu, je ne danserai plus jamais l’estampie, mais au moins, je me tiens à nouveau comme un homme !
    —    C’est douloureux ? m’enquis-je.
    —    Ça pince comme tous les diables, je ne m’en cache pas, mais j’ai connu pire. L’amputation est vieille d’un mois et la plaie est bien refermée. La petite furie a fait un

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