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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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inconfortable passa entre nous. Je le meublai en buvant une gorgée de vin.
    —    Le Cancellarius Maximus s’est-il jamais manifesté avant la lettre remise à Véran ? m’enquis-je.
    —    Comment le savoir puisque, si c’était le cas, il ne communiquerait qu’avec le Magister ? dit-elle en haussant les épaules. C’est ainsi que l’a voulu sire Hugues. Les membres de l’Ordre ignorent ce que sait vraiment le Magister. Chacun des ordres est indépendant de l’autre. Aucun d’eux ne connaît le Cancellarius Maximus qui, lui, les connaît tous les deux. L’ignorance érigée en système sera toujours le meilleur moyen de préserver un secret.
    Je quittai Esclarmonde de Foix aussi perplexe qu’à mon arrivée. S’il semblait établi que le Grand Chancelier existait bel et bien, de quel côté était-il ? S’il était de celui de la Vérité, il représentait mon plus bel espoir de trouver la piste des autres documents. Mais même si j’arrivais à le retracer, il n’accepterait jamais de me livrer ce qu’il avait sans doute juré, lui aussi, de préserver. Si, à l’inverse, il était un mythe créé de toutes pièces par l’Église pour infiltrer les deux Ordres, le retrouver équivalait à me jeter dans la gueule du loup. Dans la mesure où j’étais la seule chance de survie de la Vérité, je la condamnerais à être perdue. Mais pour le savoir, je devais forcément m’approcher de lui. Le cercle était désespérément vicieux.
    Avec le temps doux et le réveil de la nature, Simon de Montfort se manifesta de nouveau, telle une plante aux miasmes malfaisants qui émergeait de la terre dès le dégel. Il se remit en marche, plus déterminé que jamais si on en jugeait par les nouvelles qui nous parvinrent.
    À la fin de mai, un messager se présenta à Montségur. Il fut admis et, sous bonne escorte, fut conduit directement chez Raymond de Péreille, où il livra ses nouvelles. Puis, conformément aux nouvelles directives, il fut logé dans un bâtiment isolé avec interdiction de contact avec quiconque jusqu’à son départ.
    Point n’est besoin de dire que la chose ne l’amusa pas et qu’il protesta vivement, mais l’expérience vécue avec Eiquem de Castres avait rendu l’Ordre inflexible. Péreille se contenta d’obéir aux directives que Ravier lui faisait transmettre de son grabat.
    C’est dans la petite chambrette où il était retenu dans le plus grand confort possible que quelques membres de l’Ordre des Neuf le rencontrèrent en pleine nuit pour l’interroger. Le jeune homme se rebiffa d’abord de voir ainsi cinq étrangers n’entendant pas à rire surgir nuitamment dans sa chambre. Un grondement menaçant de Bertrand de Montbard, qui avait approché son visage patibulaire du sien, et la vue de Raynal, qui testait ostensiblement le tranchant de son épée avec le pouce, suffirent cependant à le convaincre de collaborer. Véran lui banda les yeux pendant qu’Eudes lui liait les poignets derrière le dos. Dans le noir, nous l’emmenâmes jusqu’au donjon, où Jaume et Ugolin montaient la garde et attendaient notre arrivée. Puis il fut conduit dans le temple, nos deux sentinelles restant au rez-de-chaussée comme si de rien n’était.
    À notre demande, Ravier avait appelé par les mots sacrés une rencontre à laquelle il était trop mal pour assister, mais qu’il acceptait de cautionner. Techniquement, notre présence dans le temple respectait donc la règle de l’Ordre. Lorsque les liens et le bandeau furent retirés, le messager fut si impressionné par l’endroit sombre et par le cercle peu engageant que nous formions autour de lui qu’il déballa son sac sans trop résister. Il était à peine un homme et tremblait comme une feuille.
    —    Quel est ton nom ? demanda Eudes.
    —    Albin, sire, bredouilla-t-il. Albin de Hautpoul.
    —    Et quelles nouvelles apportes-tu, Albin ?
    —    Je les ai déjà données au seigneur de Péreille, rétorqua-t-il, son regard inquiet parcourant le temple. Elles n’ont rien de secret. Pourquoi m’avez-vous emmené dans ce lieu ?
    —    Nous préférons les entendre de ta bouche, gronda Eudes en tirant sa dague de sa ceinture pour faire meilleur effet. À moins que tu n’y voies objection.
    —    Fort bien, dit le jeune homme en déglutissant bruyamment. Montfort est à nouveau en marche et il est plus déterminé que jamais. Au début d’avril, il a mis le siège devant Lavaur avec cinq

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