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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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plus frivoles, mais la mort, elle, ne faisait aucune différence entre les camps. Le ventre ouvert, tous étaient égaux. Des gémissements pitoyables montaient jusqu’à nous et, çà et là, de pauvres hères se traînaient pitoyablement vers la cité où ils ne pouvaient plus pénétrer. Plusieurs avaient atteint le fossé, seulement pour y mourir, le pont-levis restant obstinément levé. À l’extrémité du champ de bataille, les croisés avaient formé leurs rangs et, déjà, les premières tentes s’élevaient. Le siège de Toulouse était commencé.
    Appuyé sur les créneaux, je cherchais désespérément des yeux les corps de mes compagnons dans cette mer de chair et de sang, mais je ne les aperçus nulle part. Pour en avoir le cœur net, je devrais fouiller moi-même parmi les morts, mais il était hors de question de sortir de la cité. Je songeai tout à coup qu’ils avaient peut-être été capturés. J’osais à peine imaginer ce que Montfort faisait à ses prisonniers, à plus forte raison s’il réalisait qu’ils appartenaient à l’Ordre des Neuf, dont il connaissait certainement l’existence.
    Je réalisai avec angoisse que, si Montbard et Ugolin étaient toujours vivants, la Vérité était en réel danger. À Montségur, Eudes assurait sa protection, certes. J’avais aussi entière confiance en la capacité de mes deux compagnons de ne pas craquer sous la torture, mais les ressources du pape étaient infinies et la cruauté de ses hommes aussi. S’ils révélaient les dessous de l’Ordre des Neuf, Montfort s’empresserait de les rapporter à Amaury et ce filou saurait utiliser les informations à bon escient.
    —    Pas un geste ! Qui êtes-vous ? claqua une voix derrière nous.
    Je me retournai pour faire face à un individu dont les intentions étaient sans équivoque. La chevelure en broussaille, la barbe tachée de sang, le visage et les vêtements couverts de poussière, il avait manifestement participé à la bataille et n’était pas d’humeur à tomber sur des espions croisés. L’arme au clair, il était entouré d’une dizaine de soldats pareillement disposés. Je levai pacifiquement les mains, mon épaule blessée m’arrachant une grimace, sans faire le moindre mouvement vers Memento. Du coin de l’œil, je vis que Raynal se tenait tranquille, lui aussi.
    —    Je suis Gondemar de Rossal, déclarai-je du ton le plus apaisant possible. Voici Raynal de Saint-Omer et dame Pernelle. Nous arrivons de Montségur.
    —    De Montségur, répéta l’autre, suspicieux. Et, par quelque mystère, vous voilà dans Toulouse alors que je ne vous y ai jamais vus avant.
    —    Nous espérions atteindre la cité avant l’arrivée des croisés, expliquai-je sans vraiment mentir, mais nous avons été pris dans la bataille. Nous sommes entrés pendant la retraite de vos troupes. Deux de nos compagnons sont restés à l’extérieur et nous essayons de les retrouver.
    L’homme nous toisa, une moue méfiante sur les lèvres. De toute évidence, mon histoire ne l’impressionnait guère. Il se retourna vers ses hommes.

    —    Emmenez-les, ordonna-t-il.
    Nous fûmes encerclés sur-le-champ et désarmés. Je dus me faire violence pour ne pas défendre Memento, mais je savais que de toute tentative résulterait une mort immédiate. Je la regardai donc être emportée par un des soldats, qui ne put s’empêcher de la soupeser, puis de siffler avec admiration.
    En moins de deux, je me retrouvai prisonnier. Le chemin vers le Cancellarius Maximus venait de prendre un détour indésirable.
    5
    Une lieue terrestre vaut 4,5 km.

Chapitre 13 Alliances
    Nous fûmes empoignés par les vêtements, rudement poussés sur le chemin de ronde et conduits dans un escalier abrupt qu’on nous fit descendre au risque de nous rompre le cou. Puis on nous entraîna dans des rues étroites et tortueuses qui serpentaient et louvoyaient dans toutes les directions. Tous les soldats étaient en alerte et les seules gens que nous croisâmes furent des femmes, des enfants et des vieillards à l’air effrayé. Nous confondant avec des prisonniers croisés, plusieurs nous décochèrent des regards haineux. Je ne doutai pas que, s’ils en avaient eu l’occasion, ces gens nous auraient déchiré avec leurs dents tant ils haïssaient leurs ennemis. L’exécration et le fanatisme étaient le résultat inévitable de la religion.
    On nous mena à un châtelet où nous fûmes accueillis par une

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