Le faucon du siam
trébucher dans les plis de sa
lourde robe et alla chercher la cruche, les narines pincées devant la forte
odeur de l'alcool.
Il s'assit et but une gorgée. « Mon frère m'a dit que
c'est le sang de notre Seigneur Dieu. Il faut que vous en buviez aussi, mon
Père », fit-il en lui tendant la cruche.
Sunida était profondément choquée. Elle porta la cruche à
ses lèvres, bien décidée à ne pas en avaler une goutte. C'était la religion de
l'homme qu'elle aimait et elle refusait de participer à toute cette
plaisanterie blasphématoire.
« Tu ne bois pas », dit-il en fronçant les sourcils.
Elle fit semblant de pencher la cruche et un filet de vin
ruissela sur son menton.
Maintenant, il était en colère. « Quel genre de prêtre
es-tu ? cria-t-il. Donne-moi cette robe ! Je vais te montrer. »
Il se leva et lui arracha son vêtement, puis lui ordonna
de s'agenouiller nue devant lui. Il passa la robe et joignit les paumes de ses
mains dans une attitude de prière. « C'est maintenant moi qui serai le prêtre
et toi qui vas m'obéir, dit-il en se plantant devant elle. Regarde-moi.
— Oui, mon Père », répondit-elle en levant les yeux.
Elle aperçut l'éclat d'une lame d'acier sur l'étagère derrière lui.
« As-tu jamais fait l'amour à l'un de nous, mon enfant ?
— Non, mon Père.
— Mais, j'en suis sûr, tu en as toujours eu envie. »
Il eut une grimace de plaisir et un filet de sueur glissa le long de sa joue. «
Tu vas avoir ta chance, mon enfant. Et pourtant, nous autres prêtres, sommes
très convoités.
— J'attendrai mon tour, mon Père. »
Le regard de Sorasak se délectait du spectacle de ce
corps tendu et voluptueux qui luisait dans la chaleur accablante de la pièce.
Puis il s'agenouilla auprès d'elle.
« Prions, prononça-t-il en un fervent murmure. Prions que
ton prêtre puisse te dévaster. »
Elle mesura la distance qui la séparait de l'étagère.
« Prenez-moi, balbutia-t-elle. Faites-moi l'amour.
— Plus fort ! hurla-t-il. Et appelle-moi : mon Père.
— Violez-moi, mon Père, dit-elle d'une voix forte.
Je vous en supplie. »
Sans lui laisser le temps de faire un mouvement, il
bondit en avant, posa ses mains musclées autour de la taille délicate de
Sunida, la souleva de terre et l'emporta jusqu'aux nattes posées par terre.
Elle tressaillit au contact de ses mains calleuses. Il vit sa réaction et,
furieux, rejeta brutalement son corps sur le sol. Elle tomba avec un bruit
sourd et il entendit sa tête heurter le carrelage. Les yeux de Sunida se
fermèrent et son corps resta inerte.
« Bon sang ! » jura-t-il. Il s'agenouilla et lui passa
brutalement les mains sur les seins. Puis il la gifla : pas de réaction. «
Maudite soyez-vous aussi, Majesté, marmonna-t-il. Toujours le meilleur pour
vous alors qu'à moi, votre fils unique, on n'accorde qu'une nuit avec une
concubine à demi consciente. Puissiez-vous être bientôt morte, Majesté, pour
que je puisse prendre la place qui me revient. Car alors j'aurai tout ce que je
veux. Mais, en attendant, je vais prendre votre petite concubine, même si elle
est inconsciente. »
Immobile, Sunida écoutait avec horreur ces paroles
blasphématoires. Comment osait-on parler ainsi du Seigneur de la Vie ? Elle
ressentit une vague de colère quand le souffle brûlant de Sorasak lui caressa
la peau et que ses mains robustes se mirent à explorer son corps. Elle était
encore étourdie par sa chute mais cela ne suffisait pas à faire s'évanouir une
danseuse aussi bien entraînée. Elle sentit les cuisses musclées la chevaucher.
Il lui pinça les seins pour voir si elle fai-sait semblant, mais elle serra les
dents et se força à feindre l'inconscience.
« Bon sang, répéta-t-il. Moi qui voulais que tu te
souviennes de cette nuit. Je vais brûler les boutons de tes seins, petite
renarde : ainsi, quand tu te réveilleras, tu garderas un souvenir de moi. »
Sorasak se leva pour aller chercher une chandelle dans le
coin de la pièce. Sunida attendit qu'il eût le dos tourné, puis, avec toute la
célérité dont elle était capable, elle bondit, sa main cherchant désespérément
le poignard sur l'étagère. L'homme perçut le bruit et se retourna brusquement,
la chandelle à la main. Sunida renonça à chercher plus longtemps et se
précipita désespérément vers la porte, attrapant au passage son panung. Un
instant, elle aperçut l'expression démente que trahissait le visage de Sorasak
tandis que la chandelle tombait sur
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