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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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devant lui
un grand destin, mais loin de ces rivages. Il sera un jour potentat dans un
pays lointain. Il jouira d'un grand pouvoir et d'une richesse inouïe. Un
pouvoir comme vous autres abrutis n'en n'avez jamais rêvé. Mais il devra
prendre garde... »
    Le rugissement de la foule noya la fin de sa phrase.
Costas avait les oreilles cramoisies. « Elle est bonne, celle-là! » cria un des
hommes. « Ma foi, on en a eu pour notre argent! » vociféra un autre. « Longue
vie au petit Costas, le Premier ministre! » La foule reprit le refrain en chœur
et chacun leva son verre devant le jeune garçon mortifié...
    Phaulkon se redressa, furieux de ces railleries, et la
douleur le fit tressaillir. Il était tout étonné de ne pas se trouver dans la
taverne. Au lieu de cela, une belle jeune fille aux seins nus lui souriait d'un
air compatissant en lui proposant d'autres mets. Il refusa. Il s'essuya le
front et tenta poliment de mimer la douleur qu'il ressentait à la mâchoire.
    Elle prit un petit flacon de bambou et entreprit de
frictionner doucement ses meurtrissures avec un onguent. Le liquide sentait la
noix de coco et piquait un peu, mais cela le soulageait. Les Siamois, il le
savait, connaissaient remarquablement bien les herbes.
    Elle lui massa doucement la poitrine et le ventre, puis
dénoua son panung et appliqua le baume sur la région autour de son sexe. Il
sentit une infime excitation et sourit de soulagement. C'était un pas dans la
bonne direction. Il allait retrouver la santé. Elle s'en aperçut aussi et eut
un petit sourire provoquant : « Ik noi kong ja tham dai », imaginant
qu'il ne comprenait pas. « Bientôt, tu pourras prendre du plaisir. »
    C'est à cet instant qu'il décida de ne pas avouer qu'il
parlait le siamois.
    4
    « Vous êtes tout à fait sûr, Excellence, que les farangs
n'ont pas communiqué entre eux ? » demanda pour la seconde fois Joop Van
Risling, l'agent hollandais à Ligor. Il s'exprimait en malais et s'adressait au
jeune interprète de la factorerie hollandaise qui, prosterné, traduisait ses
propos en siamois à l'intention du gouverneur.
    Le corpulent mandarin haussa imperceptiblement ses
sourcils noirs en s'efforçant de réprimer son agacement.
    On ne posait pas deux fois la même question au Seigneur
de la Province, un homme qui n'avait pas moins de dix mille marques de dignité.
Ces farangs avaient peut-être de grands navires de guerre et des armes
puissantes, mais ils n'avaient pas de manières ni de patience. Jamais il
n'échangerait tout leur pouvoir pour une grossièreté aussi exécrable.
    « Ils ne se sont pas parlé, monsieur Lidrim », répondit
courtoisement le mandarin. Même si le farang était depuis onze mois déjà dans
sa province, il n'arri-vait toujours pas à prononcer ce nom impossible. Par
bonheur le Hollandais ne remarquait pas qu'on déformait son nom puisqu'il ne
parlait pas le siamois. Quand l'interprète l'avait retraduit en malais, le nom
avait presque retrouvé sa consonance normale. Joop Van Risling comprenait
parfaitement le malais. Il avait été en poste comme marchand à Batavia, dans
l'île de Java, bien avant que les Hollandais ne colonisent la région.
    « On les a logés séparément, monsieur Lidrim, précisa Son
Excellence.
    — Et aucun d'eux ne parle siamois ? » demanda encore une
fois le Hollandais.
    Le mandarin regardait fixement devant lui tout en
observant discrètement les oreilles du farang. Quelle horreur d'avoir de si
petites oreilles! Les siennes étaient naturellement grandes et non pas étirées
depuis l'enfance comme celles des Laotiens, dont le lobe pendait parfois
jusqu'aux épaules. Sa Majesté en personne l'avait un jour félicité de la taille
de ses oreilles.
    « On m'assure que l'un d'eux parle siamois », reprit le
Hollandais, en secouant la tête.
    Le gouverneur de la province de Ligor, un mandarin de
première classe, jeta un rapide coup d'œil au farang. Ce serait mal élevé de le
dévisager trop ouvertement : c'était en l'occurrence une chance, songea-t-il,
car le spectacle était des plus déplaisants. Le grand Hollandais au teint
coloré transpirait abondamment : la sueur ruisselait de son crâne chauve
jusqu'à sa barbe orange pour couler à l'intérieur de sa ridicule tenue de
farang et jusqu'à ses bas à l'odeur infecte. Même le buffle après une rude
journée de labour n'émettait pas une puanteur aussi déplaisante. Grâce en soit
rendue au Seigneur Bouddha, il était le seul farang séjournant

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