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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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plus gracieux que les Européens! Non seulement
leurs danses, mais même leurs rencontres de boxe étaient une forme d'art
comparées aux lourds échanges de coups qu'on voyait en Occident. Certes, le
système social et politique des Siamois, fondé sur le rang et l'autorité
despotique était strict et rigide, mais tempéré par d'autres traits : l'amour
de la gaieté, naturel chez ces gens, la générosité bouddhiste, cette même
générosité qui amenait les gens à déposer des aliments et de l'eau devant leur
porte pour que des passants anonymes puissent se servir sans avoir à demander.
    La morale bouddhiste enseignait aussi l'humilité. Même le
tout-puissant gouverneur, dont chaque parole était un ordre, avait dû à un
moment se raser le crâne, endosser la robe couleur safran et passer quelque
temps dans un temple. Comme tous les hommes de la nation, du plus riche des
princes au plus humble des mendiants, ce potentat avait dû abandonner tout ce
qu'il possédait en ce monde pour mener l'existence d'un simple moine et se rappeler
que tout dans la vie n'était qu'éphémère, comme la vie elle-même. Ainsi, son
autorité apparemment inébranlable. Qui se serait douté que cet aristocrate
despotique était lui aussi soumis à des obligations et à des contrôles ? Le
roi, qui l'avait nommé, le faisait espionner. Dans toutes les provinces
arrivaient des espions royaux, désignés par Sa Majesté. Déguisés en voyageurs
ordinaires, ils posaient des questions discrètes pour vérifier si le peuple
était satisfait de l'administra-tion du gouverneur. S'il enregistrait trop de
plaintes, le commissaire était autorisé à se faire connaître, à juger le
gouverneur sur-le-champ et même, dans des circonstances extrêmes, à le faire
exécuter. Car le gouverneur était le serviteur du roi, nommé par lui parmi ses
mandarins et responsable devant lui seul.
    Un grognement du Hollandais tira Phaulkon de sa rêverie.
Il se retourna et vit que le gros ours était maintenant bien réveillé : il
engloutissait de l'alcool de riz avec une ardeur renouvelée, son visage avait
la couleur d'une tomate mûre. Les yeux brillants, il jetait un regard lascif
sur les danseuses qui étaient revenues, arborant de charmantes tenues de filles
des rizières pour un numéro dépeignant la vie rurale.
    La grande, au milieu, lui paraissait maintenant plus ravissante
que jamais. Son pantalon flottant qui s'arrêtait aux genoux, couleur de ciel
tropical, était noué à la taille par une écharpe blanche ; une chemise de coton
sans col, d'un bleu assorti, suivait fidèlement les contours de son corps bien
proportionné. Phaulkon n'arrivait pas à détacher d'elle son regard. Pas plus
que ce rustaud de Hollandais. Ils lui sourirent en même temps et elle leur
répondit de manière fort gracieuse. Chacun des deux convives était certain que
ce sourire lui était destiné. Ivatt, quant à lui, contemplait une fillette qui
ne devait pas avoir plus de treize ans ; elle aussi lui répondit par un sourire
timide. Burnaby n'arrivait pas à choisir : en fait, il les voulait toutes.
    La grande danseuse, qui semblait avoir environ seize ans,
mimait maintenant avec les autres la préparation, le labourage du sol puis les
semailles. Ses longs doigts minces semaient à la volée des graines imaginaires
et ses yeux d'un noir éblouissant lançaient des regards enflammés à Phaulkon et
à Van Risling, du moins chacun d'eux l'imaginait-il. Le cœur de Phaulkon
battait plus vite maintenant et il sentait le désir monter en lui. C'était une
danse joyeuse et le Hollandais se mit à battre des mains en mesure. Bientôt les
autres farangs se joignirent à lui, applaudissant bruyamment et faisant aux
danseuses des signes sans équivoque.
    Ivatt soudain se leva d'un bond, emporté par la passion
et annonça à la petite de treize ans : « Je vais te ramener en Angleterre avec
moi. Tu seras une actrice ! » Phaulkon le foudroya du regard mais Ivatt lui
lança un coup d'œil qui signifiait : mêle-toi de tes affaires. L'alcool de riz
ayant fait son effet, Ivatt bondit sur l'estrade en criant : « Encore mieux,
nous allons tous les deux donner un spectacle au gouverneur! »
    Les danseuses abasourdies interrompirent brusquement leur
numéro et la fillette échappa de justesse aux griffes de l'Anglais : celui-ci
s'inclina devant le gouverneur et se lança dans une exhibition impromptue
d'acrobatie à laquelle se mêlaient des numéros de clown, souvenirs de

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