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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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ses
années de théâtre ambulant. Phaulkon lança un regard inquiet vers le mandarin :
l'expression de Son Excellence demeurait inchangée.
    Ivatt finit par se rasseoir et l'on servit une nouvelle
tournée d'alcool de riz. Le Hollandais leva son verre vers la danseuse étoile
déjà fort embarrassée. « Proost! » lança-t-il bruyamment.
    Les cinq danseuses paraissaient plus gênées que flattées
de l'attention qu'on leur prodiguait. Ne sachant que faire, elles se
contentaient de regarder les spectateurs en souriant. Impatientes de quitter la
scène, elles joignirent les mains devant leur front et s'inclinèrent
profondément. Torrent d'enthousiasme chez les Européens qui se levèrent comme
un seul homme en battant des mains, en poussant des vivats et des rugissements.
    Quand le tumulte se fut enfin calmé, le Hollandais
annonça à la ronde en anglais : « La grande, elle est à moi. » Comme pour bien
manifester ses intentions, il tendit les bras vers elle. « Kom mijn kleine
schat, viens avec oncle Joop. » Il possédait déjà deux Siamoises qui
vivaient dans sa maison en brique de style européen auprès de la factorerie, la
seule construction de brique de la province, comme il le proclamait fièrement,
et cette superbe danseuse allait fort bien agrémenter son harem. Comme c'était
étrange, se dit-il, qu'il ne l'ait encore jamais vue : il est vrai qu'il
n'assis-tait pas souvent aux danses du gouverneur. Sinon, il se serait sûrement
souvenu d'elle.
    La danseuse se pencha en avant, jusqu'à se plier
quasiment en deux, pour contourner respectueusement les farangs et venir se
prosterner devant le gouverneur. Son Excellence murmura quelque chose au Palat,
lequel dit à son tour quelques mots à la fille. Elle fit un signe de tête
discret dans la direction de Phaulkon. Celui-ci surprit le geste et se tourna
vers le Hollandais : « Je crois que la dame dont vous parlez est déjà retenue.
    — Ja, ja, je sais. C'est moi qui l'ai
réservée, répondit le Hollandais avec conviction.
    — Heer Van Risling, je crois que vous ne
comprenez pas. La dame est engagée ailleurs. » Phaulkon sentait que son sang
commençait à bouillir.
    « Ailleurs? Qui oserait...? » Le Hollandais promena
autour de lui un regard belliqueux. La fillette de treize ans était timidement
blottie auprès d'Ivatt. Une autre, un peu plus âgée, était assise auprès du
chef de la factorerie anglaise. Godverdornme, ce maudit Grec devait
parler de lui-même. Van Risling, furieux, se tourna vers Phaulkon : « Vous êtes
donc aveugle ? Vous ne voyez pas que c'est à moi qu'elle a souri tout le temps
? » Elle souriait en réalité comme tous les Siamois lorsqu'ils sont
embarrassés.
    Phaulkon se trouvait dans une situation délicate. Il ne
pouvait guère insulter le gouverneur dans son propre palais en provoquant un
incident à propos de la danseuse étoile. D'un autre côté, du diable s'il allait
laisser cet ours mal léché de Hollandais en faire à sa tête! Au prix d'un
effort, il s'obligea à reprendre un ton suave. « Allons en discuter dehors,
suggéra-t-il au Hollandais en se forçant à sourire.
    — Discuter de quoi? riposta Van Risling. Il n'y a
rien à discuter, elle est à moi. »
    Phaulkon avait l'esprit en ébullition. En dépit des
apparences, les femmes au Siam étaient remarquablement indépendantes. Elles
étaient libres d'accepter un homme ou de le quitter. Il se rappelait comment,
juste après son départ d'Ayuthia, une jeune personne avait causé pas mal de
remous en divorçant de son mari, un juge éminent, en arguant qu'il sentait des
pieds. Il regarda la danseuse. Il doutait qu'elle parte avec le Hollandais
contre son gré, à moins peut-être que le gouverneur ne le lui demande
expressément, ce qui semblait peu probable. Il avait vu Son Excellence lui
murmurer quelques mots par l'intermédiaire du Palat, mais il comptait bien voir
la fille revendiquer ses droits avant qu'il ne fasse une scène. Il fallait à
tout prix respecter les convenances. Il allait d'abord feindre de se retirer.
    « Heer Van Risling, je m'incline », dit-il
poliment, tout en désignant la fille d'un geste de la main et en tournant le
dos au Hollandais comme s'il renonçait à l'affrontement. Le mandarin parut
impressionné par son geste et sourit à Phaulkon. Le Hollandais prit pour argent
comptant cette retraite : le Grec, manifestement, reconnaissait qu'il était
battu. Van Risling s'avança vers la fille pour réclamer son dû. Comme il

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