Le feu de satan
allait mener son entrevue avec les templiers.
— Penses-tu qu’ils soient au courant ? jeta-t-il par-dessus son épaule.
— De quoi, Messire ?
— Crois-tu que les templiers auront eu vent de l’attentat dirigé contre notre souverain ?
— Dieu seul le sait !
Ranulf adressa une petite grimace à Maltote. Il avait beau lancer de joyeuses plaisanteries sur cette route de Framlingham, l’angoisse lui étreignait le coeur. Son maître était résolu à quitter le service du roi et à revenir sur ses terres de Leighton. La récente attaque ne faisait que renforcer cette décision. Mais, s’inquiétait Ranulf, qu’adviendrait-il de lui ? Certes Leighton était splendide, surtout en été, mais, comme il le répétait souvent à Maltote, « quand on a vu un mouton, on en a vu cent » ; et puis les haies et les arbres s’avéraient bien moins divertissants que les venelles tortueuses de la capitale. Il se mit à en discuter avec son compagnon tandis que fermes et chaumières cédaient la place aux grandes étendues de champs verdoyants et qu’ils abordaient la rase campagne qu’il appréciait si peu. Il vit Corbett se raidir sur sa selle et lui-même se sentit mal à l’aise lorsque le sentier se rétrécit, enserré par de hautes haies touffues. Les arbres poussaient si près les uns des autres que leurs branches entrelacées formaient comme une voûte au-dessus de leur tête. De temps à autre, le doux roucoulement d’un ramier répondait aux croassements rauques des freux en maraude. Ranulf s’efforçait d’en faire abstraction, guettant le moindre son, le moindre mouvement qui trahirait un danger quelconque. Il se rasséréna lorsque le sentier s’élargit et que les haies disparurent. Corbett s’arrêtait fréquemment pour examiner la sente, puis repartait en parlant tout seul.
— Pour l'amour de Dieu, Messire ! s’écria Ranulf. Qu’y a-t-il de si fascinant dans de la boue et des cailloux ?
Corbett fit halte.
— C’est près d’ici qu’on a retrouvé le cadavre mutilé qui finissait de se consumer.
Il mit pied à terre en faisant fi des protestations de son serviteur.
— C’est bien là, ajouta-t-il en désignant un endroit du sentier. Là-bas, juste avant le tournant près de ce bosquet. C’est là que les moniales sont tombées sur sa pauvre dépouille.
— Vous en êtes sûr ?
— Oui. Leur guide a dit qu’ils approchaient d’un tournant lorsque le cheval est arrivé ventre à terre et les a frôlés. C’est après le tournant qu’ils trouvèrent le corps ou du moins une partie du corps en train de brûler comme une torche.
Il remonta à cheval avec un petit sourire à l’adresse de Ranulf.
— Voyons si ma mémoire est bonne. Les religieuses ont affirmé être arrivées à Botham Bar moins d’une demi-heure après. Nous avons couvert la même distance.
Corbett ne se trompait pas. Ils s’enfoncèrent dans le bosquet. Le magistrat scruta la pénombre, puis la terre parsemée de graviers avant de montrer le sol calciné.
— Pourquoi cet assassinat vous intéresse-t-il ? demanda Ranulf.
Corbett descendit de sa monture, s’accroupit et fit glisser la terre brûlée entre ses doigts.
— Voici un voyageur qui se rendait à York. Nous ignorons qui il était, où il allait exactement et ce qu’il faisait sur cette route déserte. Mais il fut attaqué par un escrimeur hors pair.
— Comment le savez-vous ?
— Seul un soldat de métier, quelqu’un capable d’user de l’épée à double tranchant, peut couper un homme en deux. Le cheval s’est emballé et le torse a été consumé par un feu mystérieux. Mais qui est donc cause de tout cela ?
— Les templiers ? suggéra Ranulf. Ils sont armés d’épées à double tranchant.
Corbett sourit.
— Je suis sûr que tu comprends mieux mon intérêt, à présent. Alors, reste où tu es.
Il dégaina son arme.
— Bon, imagine que tu sois la victime et moi ton assaillant.
Il empoigna son épée à deux mains, s’élança vers Ranulf et claqua délicatement le plat de l’arme contre son ventre.
— Cela se serait passé ainsi, Messire ?
Corbett remit son épée au fourreau.
— Peut-être. Mais pourquoi la victime se serait-elle jetée dans la gueule du loup, alors qu’elle aurait pu tourner bride et s’enfuir ?
— Il faisait nuit, souligna Ranulf.
Corbett hocha la tête.
— Cela n’a ni queue ni tête. A quoi cela rime-t-il de trancher un homme en deux et ensuite de
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