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Le feu de satan

Le feu de satan

Titel: Le feu de satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Corbett échangea un regard avec Ranulf et haussa les épaules, puis, à la suite du père Anselm, il franchit une porte et gravit un escalier. Ils traversèrent la longue salle de l’infirmerie entre des rangées de lits, occupés par des malades. Chaque lit était entouré de tentures bleu foncé accrochées à des barres d’acier clouées au mur. La pièce, d’une propreté irréprochable, sentait bon. Draps et oreillers étaient d’une blancheur immaculée.
    — Nous faisons de notre mieux, confia le père Anselm à mi-voix. Nous en aidons beaucoup à mourir dans la dignité qui leur fut refusée de leur vivant.
    Au fond de l’infirmerie, il fit entrer Corbett dans une cellule exiguë et dépouillée. Les murs chaulés et le crucifix au-dessus du lit rappelèrent au magistrat sa chambre à Framlingham. L’Inconnu gisait, appuyé sur le traversin, ses cheveux filasse trempés de sueur étalés sur l’oreiller. Corbett maîtrisa à grand-peine sa répulsion devant les horribles plaies et ulcères qui rongeaient la face du lépreux. L’Inconnu ouvrit les yeux et essaya de sourire.
    — Ne vous effrayez pas ! murmura-t-il, des petites bulles de salive sur ses lèvres fendillées. Je sais que je ne suis vraiment pas beau à voir. Un siège pour notre visiteur, père Anselm !
    Le franciscain apporta un escabeau à Corbett et lui chuchota, quand il s’assit :
    — Le temps lui est compté. Il ne passera pas la nuit, je le crains.
    Puis il sortit en refermant doucement la porte.
    L’Inconnu tourna la tête et, yeux clos, rassembla ses dernières forces en respirant profondément.
    — Vous êtes bien Sir Hugh Corbett, garde du Sceau privé ?
    — Oui.
    — On vous dit intègre.
    — Les gens disent beaucoup de choses.
    — Bien répondu. La vie m’abandonne, Sir Hugh, aussi serai-je bref. Je me meurs. Qui je suis ou d’où je viens n’a pas d’importance. J’étais templier. J’ai combattu à Saint-Jean-d’Acre. Quand cette cité tomba, je fus fait prisonnier et livré aux Assassins qui me gardèrent captif pendant des années dans leur forteresse du Nid d’Aigle.
    Il s’agita, déplaçant ses membres pour soulager sa douleur.
    — Le Vieux de la Montagne, murmura-t-il, m’a relâché pour que je sème le chaos dans notre ordre, pour que j’accuse certain templier de lâcheté.
    — Lequel ? Pourquoi ?
    — Je suis détenteur d’un grand secret, haleta le lépreux. Ces commandeurs de Framlingham combattaient tous à Saint-Jean-d’Acre. Lors de la chute de la ville...
    Il s’arrêta, luttant pour retrouver son souffle.
    — ... de nombreux templiers périrent. D’autres, comme moi, furent blessés et capturés, d’autres encore battirent en retraite. Mais, poursuivit-il, les doigts agrippant la couverture, selon le Vieux de la Montagne, l’un des templiers anglais était un couard avéré. Il aurait déserté son poste, permettant ainsi aux mamelouks de s’emparer d’un rempart et de nous couper la retraite à moi et à mes compagnons. Lors de ma capture, ils me parlèrent d’un templier qui s’était enfui en laissant tomber son épée et son bouclier pendant que ses camarades mouraient.
    — Qui ?
    — Je l’ignore. Mais durant des années, enfermé dans ce cachot, j’ai rêvé de retourner en Angleterre et de questionner les survivants sur leurs faits et gestes pendant cette journée, et sur l’endroit précis où ils se trouvaient. Quand il me relâcha, tout ce que me dit le Vieux de la Montagne, c’est que le pleutre en question était à présent commandeur, dans la province anglaise du Temple.
    Il marqua une nouvelle pause.
    — Je lui ai demandé comment il connaissait son pays d’origine et non point son nom.
    — Et ?
    — Il m’a expliqué qu’à Saint-Jean-d’Acre il n’y avait que six templiers anglais : moi, Odo Cressingham, Legrave, Branquier, Baddlesmere et Symmes. Le pleutre avait hurlé en anglais, donc ce devait être l’un d’eux. A présent, ils sont tous commandeurs. Quel avancement pendant que je croupissais dans ma geôle !
    Il eut un faible sourire.
    — Je me suis caché dans les bois près de Framlingham et les ai vus passer, pleins de superbe, confiants dans leur pouvoir.
    — Pourquoi le cheikh vous a-t-il relâché et renvoyé en Angleterre ?
    — J’ai souvent réfléchi à cette question, articula péniblement l’Inconnu. Il est de notoriété publique que l’ordre est divisé. Un autre scandale l’affaiblirait

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